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Accès au logement : le calvaire des personnes en situation de handicap

C’est un véritable parcours du combattant. L’accès au logement pour les personnes en situation de handicap est régi par des discriminations, un manque d’accessibilité ou des refus injustifiés… Derrière ces obstacles se cache une réalité alarmante : l’exclusion sociale et économique de milliers de personnes. Face à cette injustice, la Fondation pour le Logement des défavorisés tire la sonnette d’alarme et propose des mesures concrètes.


© Frédéric Bisson
© Frédéric Bisson

Une terrible réalité


Il s’appelle Gilbert.¹ Après un accident survenu il y a plus de dix ans, Gilbert devient paraplégique. Pour s’installer dans une maison adaptée dont le loyer atteint les 595 euros par mois, il a vendu son logement. Malgré sa pension d’invalidité de 3000 euros et des économies importantes suite à la vente de sa maison, son dossier a été rejeté par l’agence sans explication valable. Une enquête a démontré que le refus était lié à la nature de ses ressources à savoir sa pension d’invalidité. Une discrimination. Victor, sourd, fait face à une réalité semblable. « Certains propriétaires se disent qu’une personne sourde va faire du bruit dans un appartement parce qu’elle n’entend pas. J’ai par exemple moi-même candidaté à un logement et eu ce genre de remarques. J’ai dû faire venir ma sœur entendante pour qu’elle rassure le propriétaire. Ma sœur a même dû signer le bail avec moi pour qu’il accepte de me louer l’appartement… En fait, il y a beaucoup de personnes sourdes victimes de situations comme celles-ci. » explique-t-il.² Trouver un logement pour une personne handicapée relève d’un véritable parcours du combattant. « L’ensemble des problèmes de logement (privation de confort, surpeuplement, précarité énergétique, effort financier excessif pour se loger, impayés de loyer, copropriété en difficulté…) touche 24 % des ménages comprenant une personne en situation de handicap ou de gêne (soit 1,3 million de ménages) contre 20 % des ménages français », souligne le rapport 2025 de la Fondation. « Le fait d’être […] en situation de handicap et de demander un logement social adapté donne 14 % de chances en moins d’obtenir ce logement que pour les autres ménages », ajoute Manuel Domergue, directeur d’études de la fondation. Pour 23 % des personnes en situation de handicap, l'accès à un logement social prendra 5 ans ou plus, contre 12 % pour les autres demandeurs. Autre frein : la majorité des logements sont peu accessibles et peu adaptés à leurs besoins spécifiques. 18 % seraient accessibles et seulement 6 % accessibles et adaptés.³ Cette négation de l’accès au logement les exclut de facto de la société, les obligeant à vivre avec leur famille ou à être orientés vers des établissements médico-sociaux. Sans compter que nombre de personnes en situation de handicap sont déjà exclues, notamment économiquement de la société. En effet, seules 38 % des 15-64 ans travaillent contre 68 % pour le reste de la population. La conséquence ? Un niveau de vie amoindri, 26 % d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté contre 14 % chez les valides. Or les logements accessibles et adaptés se trouvent le plus souvent dans des parcs locatifs neufs, donc, plus chers. Le sans-abrisme est une réalité pour bon nombre de personnes atteintes d’un handicap et les accès aux structures d’urgence ne leurs sont, une fois encore, pas favorables. « Nous recevons des appels au 115 de personnes en situation de handicap. Elles peuvent avoir des refus de la part du SIAO du fait de la saturation de places disponibles mais aussi parce qu’il n’y a pas de places adaptées à la situation de handicap. Pendant le plan grand froid par exemple, les gymnases ouverts n’étaient pas adaptés pour les personnes ayant un handicap moteur. Donc les appelants du 115 qui avaient un handicap étaient souvent contraints de refuser la place proposée. » explique la Fédération des acteurs de la solidarité.


Des logements non adaptés

L’adaptation nécessaire des logements couvre un large champ. Des dispositifs sonores doivent être installés pour les personnes non voyantes, des signaux lumineux pour les malentendants ou encore des moyens pour sécuriser le logement en cas de difficultés psychiques. Pour les personnes malentendantes, la communication avec le bailleur est souvent très compliquée. Des vulnérabilités qui empêchent l'accès au logement et favorisent des abus de la part des propriétaires ou des agences. Pire encore, un logement non adapté peut s'avérer dangereux pour les personnes en situation de handicap. « Mon chien guide et ma fille sont en danger dans mon appartement. Dans ma résidence, il n’y a pas d’ascenseur mais juste un escalier en colimaçon, avec 58 marches. Ce n’est pas pratique pour mon chien guide, qui risque de se faire de l’arthrose et qui se fatigue beaucoup à monter et descendre les marches. Il pourrait paniquer à n’importe quel moment, ce qui me mettrait aussi en danger. L’appartement est également trop petit pour nous (23 m²), et les fenêtres ne sont pas protégées, alors que j’ai un enfant en bas âge. J’aurais aimé qu’il y ait des barreaux, pour être rassurée, pour savoir que ma fille ne va pas tomber par la fenêtre. » explique Amira, mère célibataire, aveugle.⁴


Un tissu associatif


Face à cette situation, nombreuses sont les associations qui tentent d’inverser la tendance. Handi-social sensibilise ainsi à l’urgence de l’égalité d’accès et de dignité des personnes handicapées au logement et dénonce les failles législatives comme celle créée par la loi Elan de 2018. En effet, contre toute attente, cette loi réduit l’obligation des logements accessibles de 100 % à 20 % dans les nouvelles constructions, les 80 % restants devront être “visitables” et “évolutifs”. « 20 % des logements neufs qui représentent 1 % du parc de logements doivent être accessibles : ça fait 0,2 % de logements accessibles supplémentaires par an. » souligne Handi-social.⁵ « La loi Elan symbolise le clivage permanent sur l’accessibilité des logements. Le secteur du logement freine des quatre fers à toute demande car il y a un lobbying important. À chaque tentative de tout gouvernement de réguler le logement, ils demandent de faire sauter les normes handicap. Et les gouvernements parlent d’abord avec les constructeurs plutôt qu’avec des personnes non logées, donc ça aboutit à des arbitrages lâches. » ajoute Jérémie Boroy, président du CNCPH.⁶ Handi-social tente de faire condamner les bailleurs sociaux pour non conformité des appartements aux normes d'accessibilité. Sa présidente, Odile Maurin est également élue à la métropole de Toulouse et milite pour intégrer de nouvelles mesures d’urbanisme adaptées aux personnes en situation de handicap. Depuis 2012, L’Association Pour l’Accessibilité et la Conception pour Tous (APACT) sensibilise et souhaite faire évoluer les mentalités et approches sociétales dans la prise en compte des besoins en termes d’accessibilité. Une prise en compte toujours insuffisante et ce, malgré la loi de 2005 sur le handicap.


De nombreuses recommandations


La fondation pour le Logement des défavorisés (ex-Fondation Abbé Pierre) propose plusieurs pistes de réflexion pour permettre un accès au logement effectif pour les personnes en situation de handicap. La première recommandation : abroger l’article de la loi Elan qui réduit à 20 % la part des logements neufs accessibles. Elle propose également la mise en place d’un système de contrôle et de sanctions pour les bailleurs ou les propriétaires qui favoriserait un accès effectif au logement. La lutte contre les 1,5 million de pannes d’ascenseur annuelles est également au cœur des propositions au travers d’une double obligation : de diligence face aux pannes et de constituer un stock de pièces pour les sociétés d’ascenseurs permettant de réparer rapidement. Enfin, la sensibilisation des bailleurs sociaux à toutes les formes de handicap mais aussi le suivi du parc social et de la part des logements adaptés aux personnes handicapés doivent aussi être pris en compte.


¹Son prénom a été modifié par le défenseur des droits

³Ibid

⁴Ibid

⁵Ibid ⁶Ibid

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