Partout dans le monde, les entreprises et groupes de la filière de la sécurité et de la défense s’engagent pour construire un futur favorable. Porteurs, financeurs ou soutiens de projets en faveur de l’environnement, de l’éducation ou de l’égalité, ils se veulent acteurs de l’avenir.
Par Lola Breton
© Daher
Parce qu’elle implique des équipements lourds, qu’elle est entourée d’un grand secret et qu’elle n’est pas toujours bien comprise par le grand public, l’industrie de la défense a parfois mauvaise presse. Pourtant, aux quatre coins de la planète, les entreprises de la filière s’engagent au quotidien pour penser le monde du futur au-delà de leur propre expertise. Et s’il y a bien un sujet sur lequel le secteur de la défense se positionne, comme le reste de la société par ailleurs, c’est celui de la préservation, voire du sauvetage de notre planète. Les initiatives que portent les acteurs de la filière sont multiples et protéiformes.
La préservation de l’environnement au cœur des initiatives
Agir en faveur de l’environnement fait partie des projets de R&D des entreprises. C’est le cas chez Daher. L’entreprise aéronautique française travaille ces dernières années sur la décarbonation. Un lourd projet pour une industrie qui a conscience de l’ampleur de la pollution dont elle est responsable. « On travaille sur la décarbonation de toute notre activité, explique Julie de Cevins, directrice du développement durable chez Daher. Nous développons de nouveaux composites thermoplastiques que l’on peut recuire et donc réutiliser pour remplacer des pièces métalliques. Sur nos sites de production, nous prévoyons d’installer des panneaux photovoltaïques, notamment dans les pays où l’électricité est très carbonée, et réfléchissons à capturer la chaleur émise par la fabrication des pièces pour pouvoir l’utiliser dans les bâtiments. » L’entreprise française s’apprête également à certifier « sa première pièce à partir de chutes de production », en l’espèce le pédalier de son avion phare, le TBM.
Quant à l’avenir du voyage en avion, il se construit aussi petit à petit à travers la R&D de Daher, en partenariat avec Safran et Airbus. Avec leur projet EcoPulse, un démonstrateur d’avion électrique, les trois entreprises travaillent à la décarbonation des vols. Quatorze vols ont déjà été menés. Ce démonstrateur permet de voir « comment l’avion se comporte dans le domaine de vol » pour, plus tard, se servir des briques technologiques d’EcoPulse et construire un avion moins carboné. L’objectif chez Daher se situe autour de 2027.
Le groupe norvégien Kongsberg, parmi les plus grands producteurs d’armements mondiaux, spécialisé dans les activités navales, aéronautiques et électroniques, a décidé de mettre sa flotte de satellites au service du bien. En s’associant avec le ministère norvégien du Climat et de l’Environnement, qui finance le projet à hauteur de 40 millions de dollars, l’entreprise met à disposition ses images satellites pour tenter de contrer la déforestation. « Ce programme satellite est révolutionnaire. Il couvre les forêts tropicales de 97 pays, fournit des images mensuelles sur plus de 45 millions de kilomètres carrés pour qu’elles soient analysées et compilées en bases de données et il est accessible à tous ceux qui en ont besoin, gratuitement », note le groupe. Alors qu’un tiers des forêts tropicales a déjà disparu, ce projet est essentiel. Il permet de savoir situer exactement le problème afin de participer, là où c’est possible, à des campagnes de reforestation.
C’est aussi grâce à sa flotte de satellites qu’Airbus s’est engagé à réduire les inégalités liées à l’eau dans le monde. Plus de 2 milliards de personnes dans le monde vivent encore sans accès à l’eau potable, selon les derniers chiffres de l’ONU. Avec les sécheresses retentissantes qui surviennent de plus en plus souvent, la moitié du monde a un accès à l’eau très restreint. Airbus utilise donc sa constellation de satellites Pléiades pour identifier les endroits où aucune infrastructure d’eau (pour boire, se laver et garder son environnement propre) n’existe. « Mieux comprendre ces zones grâce aux images satellites permet aux gouvernements et aux autres parties prenantes, comme les ONG, de prendre des décisions éclairées pour s’assurer que les populations soient incluses dans le développement des projets », souligne Airbus. L’entreprise s’est ainsi associée à des ONG de plusieurs pays, au Kenya ou aux Philippines, par exemple, pour permettre l’installation de fontaines et robinets d’eau potable dans des communautés isolées. Une action qui s’accompagne également d’efforts pour utiliser moins d’eau sur les sites de production d’Airbus.
Sopra Steria aussi s’engage pour la préservation de l’eau en soutenant de jeunes start-up et des ONG dans leur combat quotidien, et ce partout dans le monde. En Allemagne, par exemple, l’entreprise française « prend part à la protection des eaux de l’Aster, principal réservoir de la ville de Hambourg. Dans le cadre du programme ‘Alstergold’, l’association opère deux bateaux qui nettoient la surface et les rives de la rivière », explique-t-on chez Sopra Steria.
Dans le domaine de l’éducation, encore, les entreprises du secteur de la défense et de la sécurité s’impliquent. Daher a signé une convention de partenariat avec l’association C’Possible, qui lutte contre le décrochage scolaire. « Nous accueillons désormais deux alternants de lycée professionnel à Nantes, qui travaillent sur des composites pour nos avions. Cela leur permet aussi de reprendre confiance en eux », souligne Julie de Cevins. A travers sa fondation, Fondaher, l’avionneur français accompagne également chaque année, financièrement voire dans des projets plus étroits, des associations qui œuvrent pour la réinsertion dans le monde du travail. Elle a notamment accompagné le projet de rénovation du fort d’Entrecasteaux, à Marseille, avec l’association Acta Vista, qui forme chaque année une centaine de personnes aux métiers du bâti ancien pour les remettre sur le chemin de l’emploi. Les salariés de l’entreprise sont aussi appelés à proposer chaque année de nouvelles associations et partenariats que la Fondaher pourrait soutenir. Une dizaine sont sélectionnées pour que la fondation y apporte une contribution financière. Les salariés sont ensuite invités à voter pour élire le projet que la fondation soutiendra et mettra en avant tout au long de l’année.
En Suède aussi, chez Saab, on mise sur l’éducation. Le constructeur aéronautique a créé des partenariats à travers le monde pour s’assurer que les enfants aillent à l’école et puissent avoir accès à une éducation complète, qui les garde à l’écart de la rue, de la pauvreté, voire de la criminalité. En s’associant à des associations locales, Saab œuvre ainsi au Brésil depuis 2019, mais aussi en Inde où les élèves en difficulté ont droit à des cours de soutien pour ne pas se retrouver lésés. Dans beaucoup de cas, ce sont les employés de Saab eux-mêmes qui se portent volontaires pour donner des cours de soutien ou récolter des fonds à destination des écoles.
Adresser les enjeux de diversité et d’inclusion
Sur la parité et la place des femmes dans le monde du travail, le secteur tente de mener des actions positives. La sécurité et la défense ne sont pas les milieux dans lesquels la représentation féminine est la plus marquée. Mais les entreprises en ont conscience. Chez Daher, 26 % des effectifs sont féminins. Et atteindre la parité est un sujet auquel la responsable du développement durable tient particulièrement à cœur. L’entreprise soutient l’association Elles bougent, qui permet de mettre en relation des jeunes filles – collégiennes, lycéennes et étudiantes – avec des employées. Plusieurs salariées de Daher ont accepté de faire du mentorat pour d’éventuels futurs talents de l’aéronautique. « Si on veut inciter les jeunes femmes à venir vers ces métiers, il faut commencer très tôt », sait Julie de Cevins.
De l’autre côté des Alpes, le constat n’est pas plus rose. Le groupe industriel Leonardo S.p.A., spécialiste italien de l’armement, de l’industrie spatiale, de l’énergie et de l’aéronautique emploie actuellement 20 % de femmes, tous postes confondus. Le groupe a donc mis sur pied un programme intitulé Springboard pour aider les femmes à atteindre de nouveaux paliers dans l’entreprise. Sous forme de séminaire, Springboard est destiné à toutes les femmes du groupe, au niveau international. Elles se retrouvent pour travailler sur leurs forces et leurs points faibles tout en apprenant des autres professionnelles qui les entourent.
Dans la même lignée, le britannique BAE Systems dispose d’un programme appelé Women in Technology, qui pousse ses employées à mentorer des lycéennes et à les pousser au plus loin de leurs compétences en sciences. Et parce que les femmes sont également essentielles lorsqu’elles sont femmes au foyer, BAE Systems a des partenariats avec des organisations qui œuvrent à la santé et au bien-être des militaires et de leurs familles.
Squad, cabinet de conseil spécialiste en cybersécurité, et l’ESIA, l’école d’ingénieurs d’un numérique utile, sont partenaires depuis 2019 dans le but d’offrir aux étudiants en cybersécurité, des formations au plus près de la réalité industrielle et entrepreneuriale, pour faciliter leur insertion dans la vie professionnelle.
Ensemble, les deux entités préparent et forment les futurs experts en apportant une contribution active à l’innovation pédagogique et technologique, à la recherche scientifique, et en encourageant la diversité des publics ayant accès aux métiers d’ingénieurs. Squad et l'ESIA s’engagent sur la diversité et l’inclusion au travail. La Mission Handicap de Squad offre la possibilité à 10 étudiants du parcours cybersécurité d’obtenir le label Handimanagement délivré par l’organisme de formation Companieros. « Au travers cet enrichissement du partenariat avec l’ESIEA autour de la RSE, le champ d’action de la Mission Handicap prend une autre dimension. Nos engagements de diversité et d’inclusion vont désormais bien au-delà de l’environnement de l’entreprise qui permettent de fournir des conditions de travail optimales pour les Squadiens en situation de handicap. C’est un véritable accomplissement et une fierté de contribuer à faire évoluer le management et donc les mentalités. », témoigne Marianne Bruel, Responsable de la Mission Handicap chez Squad.¹
Faire société
Certaines entreprises ont mis sur pied des fondations dédiées à plein temps au financement et à la mise en valeur de projets solidaires. En France, la Fondation Sopra-Steria Institut de France participe à mettre en valeur des projets ayant un « impact significatif dans le domaine d’une tech inclusive et sociale ». Chaque année depuis 2003, elle remet le Prix Entreprendre à de jeunes sociétés qui développent une idée brillante pour le futur. Cette année, Glaaster – plateforme de soutien scolaire boostée à l’IA pour s’adapter aux besoins de chaque enfant – et Captimed – application de gestion du travail hospitalier qui inclut une dimension « qualité au travail » – sont les lauréats. En Inde, une autre fondation Sopra Steria permet de financer des projets dans le domaine de l’éducation, l’environnement, la santé ou l’accès à l’eau. 53 écoles indiennes bénéficient aujourd’hui de ces aides.
Le constructeur aéronautique brésilien Embraer a lui aussi opté pour des actions à travers une fondation. Après la pandémie de Covid-19, celle-ci a lancé le mouvement « Acts of kindness », qui encourage ses employés à faire du bénévolat pour aider les personnes qui les entourent. Voisins, commerces, hôpitaux : tous ont pu bénéficier de l’expertise mais aussi de la générosité pure des salariés de l’entreprise. Tant et si bien qu’Embraer a décidé de continuer à promouvoir ces petites actions du quotidien bien après la pandémie.
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