Le 24 novembre 2023, le conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté lançait une Convention citoyenne pour le climat et la biodiversité (CCCB). Objectif : identifier des mesures concrètes qui permettront d’apporter des réponses aux effets des dérèglements climatiques dans la région. Un exercice de démocratie participative fructueux, qui doit encore être traduit en mesures concrètes pour porter réellement ses fruits et inspirer peut-être d’autres territoires.
© Matheus Bertelli
Une convention territoriale et citoyenne
Les effets climatiques se manifestent de façon de plus en plus brutale en Bourgogne-Franche-Comté: sécheresse et canicules répétées, dépérissement des forêts… En 2050, le climat de Dijon sera méditerranéen, rappelait le climatologue Daniel Gilbert.¹ Parce qu’il faut agir dès aujourd’hui au plus près des territoires et des citoyens, experts et habitants de la région ont mené ensemble une réflexion collective pour répondre à cette question : comment, dans un futur proche, y vivre, se nourrir, se déplacer, travailler, se loger dans le respect des enjeux climatiques et de la biodiversité ? Un panel de 36 citoyens tirés au sort, accompagnés d’acteurs socio-économiques et associatifs locaux et d’experts, se sont ainsi réunis à quatre reprises entre novembre 2023 et juin 2024 pour « imaginer des modes de vie désirables pour habiter et vivre en Bourgogne-Franche-Comté. » Au programme, des échanges, discussions et tables rondes sur les solutions individuelles de mobilité, l’évolution des pratiques de mobilité, l’économie circulaire et le réemploi, la consommation d’eau, l’alimentation et l’agriculture, l’énergie et projets locaux, le logement et l’énergie, organisation du territoire ou encore le travail et le changement de modèle économique.
Une réponse à la hauteur des enjeux environnementaux
272 recommandations ont été soumises aux élus régionaux à l’issue de ces échanges, destinées à alimenter la prise de décision politique dans cette région qui, dès 2021, « a mis les enjeux de lutte contre l'effondrement de la biodiversité et les effets du dérèglement climatique au cœur de son mandat. »² Des propositions transverses d’abord, comme « Multiplier les lieux de sensibilisation et développer la formation tout au long de la vie ». Comment ? En développant par exemple les enseignements à l’extérieur dans les écoles, collèges et lycées. Dans la catégorie « se rencontrer – ce qui nous lie », les citoyens ont proposé de développer l’offre touristique et de loisirs de proximité : chèques vacances dédiés, circuits clés en main pour faciliter la randonnée, meilleure accessibilité de sites touristiques en transports collectifs… Un sujet cher à la région qui a lancé la campagne #sortezchezvous et propose déjà des réductions pour se rendre à certains événements comme les Eurockénnes. Une des propositions liée à l’habitat concerne la lutte contre les logements vacants, et évoque notamment la création d’une prime pour les propriétaires mettant en location un logement vacant depuis longtemps. Les citoyens de la Convention souhaitent également accompagner la transition de l’agriculture locale et raisonnée ou bio en favorisant l’installation de nouveaux agriculteurs attachés à ces pratiques, en faisant monter en compétence l’ensemble des agriculteurs sur leur impact en eau ou encore en programmant des replantations de haies bocagères, etc. Des mesures qui s’inscrivent dans la lignée de celles déjà mises en place par la région, la première à avoir mis en place des éco-conditions. Les participants ont aussi proposé des mesures visant à limiter la prise de risques des entreprises qui changent de modèle économique et/ou qui souhaitent s’adapter à la durabilité. Enfin, ils ont travaillé sur la mobilité et les déplacements avec des mesures visant le développement de la voiture partagée (covoiturage et autopartage) ou encore la mise en place d’un réseau d’infrastructure, vélo notamment, pour les petits trajets de moins de 5 km.
Ne pas décevoir
« Nous nous sommes investis dans ce travail, nous y avons passé du temps, et nous avons envie de voir les choses aboutir » souligne un participant.³ Cet exercice de démocratie participative suscite en effet de véritables attentes. Parmi les participants, plusieurs affichent une certaine méfiance à l’égard de la classe politique et la crainte de ne pas être suivis ou entendus. « Est-ce qu'ils vont mettre autant d'énergie que nous à défendre les idées qu'on a proposées ? Est-ce que la démarche va vraiment aboutir sur du concret ? Je suis toujours un peu sceptique. » témoignait une participante.⁴ Un enjeu bien compris des organisateurs. « L’action publique est tellement décrédibilisée qu’il ne faut pas décevoir. »⁵ admettait Marie-Guite Dufay. Elle a notamment indiqué que les propositions qui n’étaient pas du ressort de la région (environ 34%) seront transmises aux autorités concernées. Quant aux mesures jugées réalisables, il faudra encore plusieurs mois, voire plus, pour qu’elles puissent prendre vie, notamment, la diversité des directions concernées : environnement, mobilités, aménagement du territoire... La présidente de la Région s’est toutefois engagée à rendre réalisable un certain nombre de ces propositions, dont certaines ont déjà obtenu le soutien des élus. Sarah Persil, vice-présidente en charge de la jeunesse, de la vie associative, de la citoyenneté et de la démocratie participative, s’est ainsi réjouit de la volonté de faire revivre le « Festival des solutions écologiques ». Le développement du Pass Découverte en le rendant moins cher et plus accessible a également retenu leur attention. Marie-Guite Dufay a pour sa part jugé qu’il serait intéressant de favoriser plus largement une approche plus écologique autour des différentes manifestations menées sur le territoire. Des initiatives qui témoignent de l’engagement de la région et de ses habitants. « Si on est tous là aujourd'hui, c'est parce qu'on a de l'espoir. On croit à une démarche qui va changer. On est tous conscients du besoin de changer. On a tous cette énergie et cette motivation à agir sur la transition écologique. »⁶ Il est donc encore temps de transformer l’essai : après avoir affiné ce premier travail, les élus choisiront les mesures retenues au budget de février 2025. Si les résultats sont à la hauteur des attentes, cette démarche pourrait bien essaimer et inspirer d’autres territoires qui sont de plus en plus nombreux à se mobiliser pour apporter des réponses aux effets du changement climatique.
⁵Ibid
⁶Ibid
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