Des lunettes connectées permettant de communiquer grâce aux mouvements des yeux à l’aide de capteurs infrarouges chez Wyes, une trottinette électrique « clipsable » à un fauteuil roulant chez MyomniTrott’, le sous-titrage en temps réel qui retranscrit instantanément chaque parole prononcée du Messageur, et tant d’autres encore… Derrière toutes ces innovations, le même objectif : mettre la technologie au service des personnes en situation de handicap, pour favoriser leur inclusion sociale, professionnelle et économique.
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Des discriminations encore trop présentes
En 2023, la Direction de la Recherche, des Etudes, de l’Evaluation et des Statistiques (DREES), estimait que le handicap touchait 14 % des personnes de 15 et plus vivant à domicile, (soit 7,6 millions de personnes) : 8 % avec une limitation physique sévère, 5 % une limitation sensorielle sévère et 4 % une limitation cognitive sévère.¹ Autant de personnes pour qui l’accessibilité, l’autonomie et la qualité de vie sont un combat quotidien : inégalités d’accès à l’éducation, à l’emploi, à la santé ou encore aux services et aides publiques, parmi beaucoup d’autres… « En 2022, le handicap reste le premier motif de discriminations en France, totalisant 20 % des réclamations adressées au Défenseur des droits. »² rappelle l’association Handicap.fr. Résultat : près de 20 % des personnes handicapées sont en situation de pauvreté (12,8 % pour les valides).³ Leur taux de chômage est près de deux fois supérieur à la moyenne, s’élevant à 12%. 44% seulement sont en emploi contre 75% dans la population générale. 40 % ne partent pas en vacances pendant au moins une semaine (deux fois moins chez les valides), pour des raisons économiques et d’accessibilité aux activités de loisirs et de détente…⁴ Une situation qui n’est plus acceptable, comme l’a rappelé en avril 2023 le Comité européen des droits sociaux. Suite à une réclamation déposée par plusieurs associations en 2018, il a considéré que la France violait plusieurs articles de la Charte sociale européenne au regard des droits des personnes en situation de handicap et de leurs familles.
La tech se mobilise
Pour répondre à ces besoins, l’écosystème de la tech ne manque pas d’idées. Les produits, services et solutions conçus pour améliorer leur quotidien se multiplient : aide à la mobilité, solutions de communication, autonomie, accessibilité numérique, la créativité semble sans limite. Le Handitech Trophy récompense ainsi depuis 2017 des projets innovants qui soutiennent cette cause. A l’issu de 8 éditions, il totalise plus de 800 projets candidats et une cinquantaine de lauréats qui apprivoisent le numérique, la robotique ou l’internet des objets au service de projets dans des catégories comme la santé, la mobilité, le sport et les JOP, l’innovation digitale, l’éducation, les aidants, l’emploi. Vainqueurs de la dernière édition : le fauteuil à étreindre OTO adapté aux besoins des personnes souffrant de troubles de l’autisme, la gamme d’assistants robotiques à la mobilité des bras d’Orthomus, un projet d'interfaces cerveau-machine porté par Inclusive Brains, la ceinture chauffante connectée MyMonny pour soulager les douleurs chroniques (endométriose, douleurs lombaires et digestive), une agence numérique agréée entreprise adaptée, Solatypic, l’application Kunto « sport et nutrition » dédiée aux personnes en situation de handicap ou souffrant de pathologies spécifique ou encore Glaaster, un logiciel visant à améliorer le quotidien des enfants dyslexiques… Des associations comme La Handitech, fondée par le cabinet de recrutement Jobinlive et CGI en partenariat avec Bpifrance et l’APF France Handicap, fédèrent ces acteurs pour favoriser le développement de ces projets d’innovation.
Un écosystème se structure
Une effervescence de bon augure, puisqu’elle témoigne aussi du dynamisme de cette filière qui s’ancre aujourd’hui dans le paysage de la tech et de l’innovation française. « Avec plus de 200 acteurs actifs et des créations d’entreprises par dizaines chaque année, les start-up dans le secteur du handicap représentent un vivier à fort potentiel. » notait l'Observatoire de la filière Start-up & Handicaps en avril dernier.⁵ Une étude indique que 75% d’entre elles développent des solutions répondant à un handicap moteur, qui est aussi le plus représenté dans la population française de 15 ans ou plus vivant à domicile, et que 81% ciblent en priorité les secteurs « Santé et bien-être », « Mobilité » et « Emploi et vie sociale ».⁶ Des start-up qui font toutefois face à des problématiques « telles qu’un marché intérieur initialement limité, des besoins de financement aux étapes clés de développement, ou encore des stratégies de marchés spécifiques et parfois complexes » souligne Anne-Claude Lefebvre Directrice du centre d’innovation, d’expertises et de moyens CoWork’HIT. Pour les accompagner, des initiatives se multiplient, comme CoWork’HIT à Lorient ou Le Handilab à Saint-Denis : 13 000 m² pour devenir “le pôle de référence de la tech française au service des porteurs de handicap”,⁸ et soutenir et développer des handitechs innovantes et inclusives. Des initiatives encourageantes et enthousiasmantes qui ne doivent toutefois pas masquer le rôle de l’Etat et des pouvoirs publics aux côtés des entrepreneurs et des industriels, pour faire avancer l’inclusion des personnes en situation de handicap. Alors que l’accessibilité doit être l’un des grands héritage des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024, il est temps de jouer collectif et d’associer dans un même effort la French Tech, le ministre du Numérique et la nouvelle ministre déléguée au Handicap.
³ selon le Rapport 2023 sur les discriminations en France
⁶ Ibid
⁷ Ibid
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