Plafond de verre, déterminisme social, égalité des chances. Autant de vocables qui résument la vie de plusieurs milliers de jeunes femmes en France. Pour celles issues des quartiers populaires, la peine est triple. Alors pour tenter d’inverser la tendance, des associations comme Rev’Elles s’engagent pour changer la donne et révéler au grand jour le potentiel de ces jeunes filles.

Jeune fille de quartier prioritaire recherche voie professionnelle
Avant même qu’elles n’entrent sur le marché du travail, les jeunes femmes souffrent d’un manque de confiance en elles et de pensées qui les limitent sur leurs capacités à mener la carrière de leur choix. Parfois, elles ne pensent même pas avoir le choix. Pour les jeunes filles issues de quartier populaire, cet état de fait est encore plus marqué. Elles sont touchées par un triple déterminisme : inégalités sociales, de territoire et de genre. Les conséquences sont tout aussi visibles que dramatiques : une femme sur deux issue des quartiers populaires serait sans emploi (contre une femme sur trois sur l’ensemble du territoire national) et une femme sur quatre serait en situation de précarité (contre une femme sur dix en France).¹ Un manque d’« égalité des rêves dans l’égalité des chances »² observée il y a plus d’une dizaine d’années par Athina Marmorat alors consultante et formatrice. Elle intervient dans les lycées des quartiers populaires franciliens sur les thèmes de l’orientation et de la connaissance de soi : « Quand je demandais aux jeunes filles quel métier elles souhaitaient faire, elles répondaient systématiquement assistante, secrétaire ou puéricultrice. En creusant, je me suis rendu compte que les jeunes filles faisaient toujours ces mêmes choix parce qu’il s’agissait des métiers présents dans leur environnement social ou familial ».³ Lors de ses interventions, elle remarque que les lycéennes prennent moins la parole que les élèves masculins, qu’elles manquent de confiance en leur capacité et, plus grave encore, qu’elles s’auto-censurent concernant leurs orientations scolaires et professionnelles. C’est pour changer ces trajectoires de vie qu’Athina décide de créer l'association Rêv'Elles en 2013.
Révéler un potentiel
Depuis plus de 10 ans, l’association propose différents programmes comme l’offre “Essentiel” qui se concentre sur la connaissance et la confiance en soi. L’objectif : accompagner les participantes pour qu’elles prennent conscience de l’auto-censure, qu’elles découvrent des métiers. Celles qui souhaitent rejoindre Rev’Elles peuvent suivre « RVL ton potentiel ». Un parcours de 5 jours où les jeunes filles assisteront à des ateliers collectifs mais aussi des coaching individuels. Une journée en immersion dans le monde professionnel leur permet à la fois de découvrir la vie en entreprise mais aussi ses codes et sa réalité. Le dernier jour est consacré à la prise de parole en public. Elles devront notamment pitcher leur projet professionnel auprès de femmes issues d’horizons variés, les “rôles-modèles” de l'association. « Cela a changé la personne que je suis aujourd’hui. J’ai acquis plus de confiance, j’ai moins peur de faire un choix. Avant, j’étais une suiveuse, je redoutais de perdre l’amitié de quelqu’un quand je ne pensais pas comme lui. Après le stage, j’ai commencé à imposer mes idées. Cela m’a poussé à faire des études de psychologie. Je m’en suis aperçue lors des ateliers de coaching. J’ai toujours été très à l’écoute, observatrice, et je voulais aider les gens à s’accepter comme ils sont dans la vie » témoigne Chahrazed Khiter, jeune bénéficiaire du programme après avoir intégré “RVL ton potentiel.⁴
Les bénéficiaires peuvent ensuite devenir des “alumnae”, elles auront alors accès à plusieurs programmes adaptés en fonction de leurs besoins en accompagnements professionnels. Au-delà de ses bénéficiaires directes, Rêv’Elles s’adresse aussi aux familles pour les sensibiliser plus largement aux questions de genre.
Renforcer le pouvoir d’agir
68 % des jeunes filles accompagnées déclarent que Rev’Elles à améliorer leur rapport aux études depuis leur dernier parcours. 90 % ont une meilleure vision de l’entreprise. Des parcours complets qui se concrétisent jusque dans la visite d’entreprise comme en mai dernier lorsque 8 bénéficiaires ont pu visiter la Société Générale basée à la Défense. Au programme : présentation de la banque et une visite des locaux, immersion au sein de la vie de l’entreprise mais aussi simulation d’entretien et enquêtes métiers avec des collaboratrices. Une vraie rencontre dont tous les participants sont sortis enrichis. « J'ai entendu des témoignages qui m'ont appris à voir plus grand. » confie une participante.⁵ « Je me sens redevable de donner ce que la vie m'a apporté » s’exprime quant à elle Françoise Fernandez-Fievet, Membre exécutif du cabinet de conseil et transformation interne de la Société Générale.⁶ Rêv'Elles fonctionne sur une logique de réseau dans laquelle le partenariat avec de nouvelles entreprises est toujours le bienvenu. En décembre dernier, l'association a ainsi noué un nouveau partenariat avec la marque Maje. Plusieurs collaboratrices seront impliquées dans les différents programmes : mentorat, découverte professionnelle, participation de Rôles Modèles à RVL Ton Potentiel,etc.
Régulièrement, les anciennes bénéficiaires reviennent et deviennent à leur tour, rôle modèle de l’association. Un atout sans commune mesure qui contribue à créer un véritable cercle vertueux. Récemment une ancienne bénéficiaire a tenu à remercier l’association. Aidé et soutenue il y a presque 10 ans, elle est aujourd’hui avocate au barreau de Paris. Un métier dont elle ne se serait jamais cru capable d’exercer. Alors que l’association touchait quelque 700 jeunes filles en 2021, elles sont, en 2023, plus de 1500 à être accompagnées et sensibilisées !
⁶Ibid
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