Si la Gendarmerie nationale compte désormais un Commandement pour l’environnement et la santé (CESAN) et est engagée dans le réseau européen contre la criminalité environnementale Unite, ce ne sont pas là ses seules contributions à la préservation de l’environnement et du bien-être social. Entre initiatives locales et impulsions nationales, la Gendarmerie s’engage sur le terrain de la responsabilité sociétale des organisations (RSO).
Par Jean Margaud
La Gendarmerie contre les discriminations
La Gendarmerie mobile n’a été ouverte aux femmes qu’en 2016.¹ En 2022, 22,3% des gendarmes étaient des femmes, avec d’importantes disparités selon les spécialités. Face ces persistances, l’institution s’est dotée d’une référente nationale égalité et diversité (RNED), la capitaine Marie-Ange Detey à la tête d’un réseau conséquent : 26 formateurs relais, 43 coordonnateurs en régions et 624 référents répartis dans les groupements et compagnies. Depuis l'automne 2017, 108305 personnels ont ainsi été sensibilisés, dans le cadre d’un plan d’action en faveur de l’égalité professionnelle, étendu en 2021 aux enjeux de la diversité, de la lutte contre les harcèlements, discriminations et violences.² Ce plan d’action qui semble porter ses fruits, notamment sur le volet discrimination et harcèlement : « on observe une véritable libération de la parole dans les rangs. Nous avons mis en place un chatbot que tout gendarme peut utiliser, qui identifie les comportements relevant du sexisme ou du harcèlement. Les victimes peuvent être aidées et les auteurs des faits sanctionnés, mais aussi accompagnés, car certains ne perçoivent pas la gravité ou les conséquences de leurs agissements. Et cela infuse : il arrive qu’un commandement de proximité fasse appel à notre réseau pour que nous venions sensibiliser ses personnels au plus près du terrain », précise Marie-Ange Detey.
Un observatoire de la Gendarmerie en matière d’égalité et de diversité est désormais rattaché à l’Inspection générale de la Gendarmerie nationale (IGGN). Cette dernière peut être saisie par les agents via la plateforme Stop Discri pour dénoncer des faits. Un outil similaire à Signal Discri dans la Police nationale.
« Aucun talent ne doit être éclipsé par un quelconque biais chez nos personnels. C’est pourquoi notre réseau applique une politique de tolérance zéro et procède également à la sensibilisation des jurys lors des campagnes de recrutement », ajoute la capitaine Detey.
Des engagements pionniers autour du handicap
La parole est également centrale dans la prise en charge du handicap dans l’institution. « Qu’ils aient eux-mêmes un handicap ou soient aidants de proches, les gendarmes ont peu tendance à parler de ce sujet. D’où l’importance d’aller vers eux et de mettre à leur disposition un guide du proche aidant de proches, contenant des informations pratiques sur le sujet, régulièrement mises à jour. On veille également à l’accessibilité, pour ces personnes, à des logements adaptés dans les casernes, ou à un accompagnement lorsqu'elles sont mutées dans des régions dépourvues de structures dédiées. », explique la capitaine Detey. C’est la mission d’accompagnement du handicap, créée en 2020. Des Duodays, journées d’immersion sont organisées en vue du recrutement de personnes en situation de handicap, leur faisant découvrir des postes auxquels ils ne pensaient pas pouvoir prétendre. Victime d’un accident de la route, Amaury, 31 ans, a ainsi découvert les métiers du soutien, quand Alexis, 26 ans, s’est familiarisé avec ceux de la restauration.³ Des dispositifs qui ont valu à la Gendarmerie le label « Cap’Handéo - Entreprise engagée pour ses salariés aidants » en 2022, et contribué à lui faire remporter le Grand Prix Diversité et Inclusion la même année.
La question est d’autant plus prégnante pour les gendarmes blessés en service, pris en charge afin d’améliorer leur employabilité interne ou leurs perspectives externes. La mission sport leur est dédiée en vue de leur reconstruction.
Une démarche inclusive qui s’opère aussi auprès de la société toute entière, au moyen de conventions avec des associations locales comme l’Unapei pays d’Allier, pour sensibiliser les personnes en situation de handicap sur les différentes formes de violence et les informer sur leurs droits.⁴
A travers le pays, au plus près de l’environnement
Un coup d’avance qui s’observe aussi sur le plan environnemental ? Sans doute. Alors que le Sénat regrettait début 2023 le peu d’exemplarité de certaines structures publiques en termes de RSE,⁵ « la Gendarmerie s'investit pleinement dans la mise en oeuvre des mesures du Plan Climat et Biodiversité du ministère de l’Intérieur ; un investissement en cohérence avec les efforts qu'elle avait engagé depuis plusieurs années déjà en faveur de son éco-responsabilité », assure le colonel Brice Mangou, chargé de mission au Service de la Transformation de la Direction générale de la Gendarmerie nationale (DGGN).
L’engagement RSO de l'institution est d’abord local. Sur tout le territoire, des casernes adoptent des modes d’action écoresponsables, patrouillant à vélo ou en moto-cross électrique plutôt qu’en voiture. Ces véhicules tout-terrain permettent aux gendarmes de se déplacer plus facilement hors des zones urbaines, le coup d’envoi ayant été donné dans le Cher en 2021.⁶ Des véhicules électriques remplacent les diesels vieillissants et polluants, qui représentaient 92% du parc automobile en 2020.⁷ La Gendarmerie installe plusieurs centaines de bornes de rechargement sur son parc immobilier à cette fin. Dans la Sarthe et le Bas-Rhin, elle expérimente des véhicules alimentés avec des piles à hydrogène, pas encore distribués dans le civil, participant de fait au processus d’éco-conception de véhicules de demain.
Achats durables, usage de produits locaux pour la restauration et recyclage complètent ces pratiques. Sans oublier le domaine bâtimentaire : « Pour atteindre ses objectifs de transition écologique dans ses emprises, la gendarmerie met en œuvre plusieurs mesures comme la rénovation énergétique des bâtiments, une construction plus responsable dans le neuf en respectant la réglementation environnementale 2020, ou encore le recours aux énergies renouvelables (panneaux photovoltaïques, capteurs solaires thermiques, réseaux de chaleur, chaudière à bois…) », précise le colonel Brice Mangou. Il n’est pas rare de trouver, sur la surface couverte par une caserne, des jardins partagés abritant ruches, poulaillers ou hôtels à insectes. Sur 350 casernes du Grand-Est, 1300 actions rattachables à des objectifs de développement durable (ODD) ont été relevées.⁸ Lors de la semaine du Printemps du gendarme, lancée en mai 2023, un réseau de professionnels « correspondants développement durable » recense les actions des casernes en faveur de la biodiversité, comme l’installation de points de compostage, pour les valoriser au niveau national à l’aide d’un hashtag et faire germer de nouvelles idées. « Nous valorisons l’innovation participative en région tout en cherchant, depuis la direction générale, à impulser et à inciter. Nous n’agissons pas seulement sur les infrastructures, nous veillons également au comportement éco-responsable de chaque agent en le sensibilisant. Les élèves de l’Ecole des officiers de la Gendarmerie nationale reçoivent d’ailleurs 20 heures de formation à la transition écologique. », ajoute le colonel Mangou. Et de conclure : « notre engagement RSE n’est pas uniquement bénéfique à court terme, pour les économies de fonctionnement qu’il permet d’effectuer, et à moyen terme, pour le sens qu’il peut donner à l’engagement de nouvelles générations dans nos rangs. Nous travaillons aussi à nous assurer que, dans les conditions climatiques que nous connaîtrons demain, la Gendarmerie puisse continuer à exercer au mieux ses missions au bénéfice de la population. »
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