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La lutte contre les discours de haine : vers un avenir meilleur

« Personne ne naît en haïssant une autre personne à cause de la couleur de sa peau, de ses origines, ou de sa religion. Les gens doivent apprendre à haïr et s'il peuvent apprendre à haïr, ils peuvent aussi apprendre à aimer » disait Nelson Mandela. Un apprentissage plus que jamais nécessaire, à l’ère où les clivages et les discriminations continuent de sévir et prennent appui sur des outils numériques qui décuplent leur retentissement. Face aux difficiles avancées, l’engagement se perpétue à la fois contre les causes et les conséquences des discours de haine.



Une communauté internationale engagée

« Nous sommes à un moment clé pour la planification de l’UNESCO contre le racisme et la discrimination. Un plan a été imaginé dans une logique de recentrage stratégique sur d’importantes aires de travail sur lesquelles nous pouvons avancer. Nous serons tous des forces du changement qui ramènera la justice aux communautés autour du monde » annonçait Jeremy Gilley, fondateur de Peace One Day, en ouverture du Forum de l’UNESCO contre le racisme et la discrimination, qui s’est tenu les 28 et 29 novembre derniers à Mexico. Les Etats ont pu rappeler leur volonté commune d’éradiquer les discours de haine. Malgré l’expansion du phénomène, les initiatives ne faiblissent pas. Les discussions ouvertes à Mexico se sont concentrées sur un ensemble de leviers comme le rôle des villes, l’importance du rôle des ONG et de la société civile ou encore l’accélération sur les questions des droits humains concernant les femmes.

À l’origine des débats, la feuille de route de l’UNESCO contre le racisme et la discrimination du 15 septembre 2022 vise une meilleure coopération avec les acteurs de la recherche afin de mieux comprendre les champs de discriminations, à l’image du partenariat de l’UNESCO et Oxford, la mobilisation du potentiel des interventions artistiques pour traiter les traumatises et oeuvrer à l’inclusion, dans la continuité du travail de l’Art-Lab pour les droits de l’homme et le dialogue, ou encore le soutien aux programmes d’éducation aux médias et à l’information.


En ligne, des progrès en perte de vitesse

« L'année dernière, j'ai appelé les entreprises à inverser la tendance générale à la baisse des notifications et des actions sans délai. Cela ne s'est pas encore totalement produit - les entreprises doivent clairement intensifier leur engagement » s’inquiétait Didier Reynders, commissaire européen en charge de la justice, le 24 novembre dernier, à l’occasion de la remise du septième rapport d’évaluation du code de conduite de l’Union européenne visant à combattre les discours haineux illégaux en ligne. L’évaluation menée par la Commission montre un net recul, tandis que seulement 64% des notifications de discours haineux ont été traitées par les plateformes de réseaux sociaux en moins de 24 heures en 2022, contre 90% en 2020. Cette nécessaire responsabilisation des plateformes se heurte pourtant à la trajectoire alarmante qu’empruntent certaines d’entres elles, Twitter en tête de file. Le 23 novembre, Elon Musk annonçait l’« amnistie » pour la majorité des comptes bannis, au détriment de la lutte contre les discours à caractère haineux.

Au même moment, l’Union européenne renforce son intransigeance. Entré en vigueur le 16 novembre 2022, le Digital Services Act (DSA) oblige désormais à la diminution claire de la diffusion de contenus illégaux et à l’instauration d'une transparence importante entre les plateformes en ligne et leurs utilisateurs. Le DSA sera applicable dès le 1er janvier 2023 pour les acteurs qui comptabilisent de plus de 45 millions d’utilisateurs européens par mois, et demandera de leur part la facilitation du signalement, la création d‘un système interne de traitement des réclamations, la tenue d’audits indépendants annuels ou encore l’accélération de la protection des mineurs en ligne. En cas de non-respect du DSA, la Commission européenne sera en capacité d’infliger une amende qui pourra atteindre 6% du chiffre d’affaires annuel de la plateforme concernée.


La jeunesse, une force de changement

La feuille de route de l’UNESCO contre le racisme et la discrimination place l’éducation comme action prioritaire par excellence. « Nous devons ramener le sens de l’égalité aux racines de la société, au niveau de l’éducation, à l’école et dans les foyers » rappelait Susana Harp, artiste indigène et sénatrice mexicaine, au Forum de Mexico. Cette forme de sensibilisation fait ses preuves et s’affirme dans la durée comme le souligne Nada Al-Nashif, Haute-Commissaire adjointe des Nations Unies aux droits de l’Homme pour qui « l'éducation aux droits de l'homme est le moyen le plus efficace de prévenir la haine (…), elle favorise une culture universelle des droits de l'homme, dans laquelle chaque personne mérite également la dignité, le respect et la justice, et où les diversités sont embrassées et valorisées. »

L’éducation au sujet dans l’espace numérique est essentiel. Le cyber-harcèlement qui découle de la diffusion en ligne de contenus à caractère haineux touche de plein fouet les jeunes générations. « Un collégien sur quatre et presqu’un lycéen sur cinq en France se dit avoir été victime d’harcèlement en ligne, sous forme d’insultes, de rumeurs, d’usurpations d’identité ou de diffusion de films humiliants. Et parmi eux, les filles sont surreprésentées » explique un rapport de l’Elysée du 10 novembre 2022. Agréée depuis 2011 par le ministère de l’éducation nationale, l’association e-Enfance propose une plateforme d’appel gratuite et anonyme pour accompagner l’ensemble des victimes de violences en ligne. La Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) oeuvre aussi à cet apprentissage, à l’image des ateliers mis en place dans les classes de l’école élémentaire Mozart de Vélizy-Villacoublay le 21 novembre dernier. Au travers d’activités ludiques, la CNIL pousse les plus jeunes, de 8 à 10 ans vers des usages numériques responsables. Le collectif #StopFisha en plus de son engagement pour la protection des victimes de revenge porn, intervient régulièrement dans les écoles afin de former les futurs utilisateurs d’internet, à la fois sur les menaces qu’ils encourent mais aussi sur les bons gestes à adopter.


La mobilisation de tous

Acteurs publics ou privés, aujourd'hui tous s'engagent pour lutter contre la haine qu'elle soit en ligne ou dans l'espace public. Il y a neuf mois était promulgué le décret d’application des mesures contre la haine en ligne voté dans le cadre de loi du 25 août 2021 dite loi Avia. Les premiers résultats et chiffres concernant les effets de cette loi, inédite, se font attendre. Et, le secteur privé est lui aussi en première ligne de la lutte contre la haine notamment en ligne. La fondation Bouygues Telecom a récemment accompagné, au travers d'un incubateur d'association, #Jesuislà, une association engagée pour limiter les effets de la désinformation et la haine en ligne. Cette dernière rassemble une communauté de citoyens qui, après avoir identifié une vague de commentaires haineux sur un post des réseaux sociaux, vont rédiger des commentaires bienveillants et positifs. Leur collectif réunit aujourd'hui plus de 6000 personnes sur Facebook.


Et, au début du mois de décembre c'était au tour du Conseil de l'Europe de réunir L'Alliance parlementaire contre la haine pour que ses membres échangent autour du soutien à apporter aux personnes visées par ces discours. Ainsi Līva Vikmane, chargée de mission à HateAid, une ONG allemande leur a présenté ses recommandations pour améliorer la prise en charge des victimes par chaque Etat européen. Elle a notamment mis l'accent sur « la nécessité de garantir l'accès à la justice pour les victimes, d'éliminer les éventuels obstacles, de permettre le signalement en ligne et d'utiliser les injonctions des tribunaux pour mettre un terme à la diffusion des discours de haine en ligne » et sur la nécessité d'avoir une approche intersectionnelle pour lutter efficacement contre ce phénomène. Reste à savoir quelles mesures seront transposées dans le droit français pour permettre un renforcement de l'appareil législatif.



1. « Feuille de route de l’UNESCO contre le racisme et la discrimination », Conseil Exécutif de l’UNESCO, 15 septembre 2022.

2. « EU Code of Conduct against online hate speech: latest evaluation shows slowdown in progress », Commission européenne, 24 novembre 2022.

3. Musk, Elon. « The people have spoken. Amnesty begins next week. Vox Populi, Vox Dei. »Twitter, 24 novembre 2022.

4. « Le règlement européen sur les services numériques (DSA) vise une responsabilisation des plateformes », Vie Publique, 26 octobre 2022.

5. Al Nashif, Nada. « Combattre les discours de haine par l’éducation - Forum en ligne multipartite », UNESCO, 2021.

6. « Réguler l’espace numérique pour des technologies au service du bien commun. », Elysée, 10 novembre 2022.

7. « Journée internationale des droits de l’enfant : la CNIL organise des ateliers en école primaire », CNIL, 21 novembre 2022.

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