Alors que le commerce illégal d'espèces représente la 3e activité criminelle la plus lucrative au monde, en France des acteurs s’engagent pour donner une seconde chance aux animaux maltraités et victimes de trafics. Parmi eux : la Tanière, un zoo refuge près de Chartres. Unique, il parvient à sauver, soigner et réintégrer des milliers d’animaux tout en sensibilisant le grand public sur l’importance de protéger la biodiversité.
© Susanne Jutzeler, suju-foto
Commerce illégal d’espèces : un trafic lucratif
Considéré comme la 3e activité la plus lucrative au monde - derrière le trafic de drogue et le trafic d’armes - le commerce illégal d’espèces sauvages pèserait jusqu’à 23 milliards de dollars.¹ Il constitue l’un des principaux facteurs de la perte de biodiversité. « Le trafic d’espèces sauvages relève de la grande criminalité organisée et constitue une menace directe et croissante pour la biodiversité, la sécurité mondiale et l’Etat de droit »², alertait, dès novembre 2022, Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne. Pays d’origine, de transit mais aussi de destination, la France est en première ligne. Les élevages illégaux suivent les effets de mode, comme celle d’acquérir des “serval de compagnie”, des animaux pourtant sauvages. Certains sont exploités comme dans les discothèques… « Les animaux que l'on recueille ont souvent des os qui peuvent se fracturer assez facilement, des problèmes de faiblesse générale. Ils sont rachitiques, la peau sur les os. Souvent leurs dents se délogent car ils n'ont pas reçu les bonnes vitamines, les bonnes conditions de croissance ou d'alimentation... De mauvaises croquettes ont été données et les reins sont les premiers affectés, le foie aussi », souligne Antonin Boutibou, chef vétérinaire à La Tanière.³ Rappelons qu’en France la détention illégale d’animaux sauvages est passible de 3 ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende. Au-delà de l’aspect pécuniaire, les risques sont également sanitaires. Les détenteurs s'exposent « à des maladies, certaines mortelles, car ces animaux ne sont pas vaccinés », poursuit Antonin Boutibou.
Donner une nouvelle chance
Alors pour accueillir et réparer ces animaux que la vie n’a pas épargné, Patrick Violas et sa compagne ont créé un havre de paix : la Tanière. « Ici, chaque animal à une histoire. Et chaque histoire est différente » témoigne le fondateur. Il y a Zampa le lion qui est arrivé en 2019, dégriffé et castré après avoir passé plusieurs années sur les plages d’Espagne et en discothèque à être photographié par des touristes. Aujourd’hui amputé de ses griffes, il lui est difficile de saisir sa nourriture, il boite, multiplie les infections aux pattes, les flashs des photographes ont abîmé ses yeux et la castration précoce a bloqué le développement de sa crinière… Cannelle, une primate, a également rejoint le refuge en 2019 après avoir subi 3 protocoles et être restée 19 ans dans une cage soumise à des expériences médicales au service de la recherche dans les neurosciences et l’optique. A la Tanière, ⅔ des animaux sont intégré suite à une décision de justice. Le refuge a pris en charge près de 4 000 animaux depuis son ouverture. 3 000 d’entre eux ont pu être réintégrés dans des environnements adaptés après avoir reçu des soins appropriés.
L’innovation offre une nouvelle vie
Avec une équipe médicale composée de deux vétérinaires, d’un assistant et d’une cinquantaine de soignants spécialisés, la Tanière réalise des prouesses médicales. Elle dispose d’équipements à la pointe de la technologie pour espérer sauver un maximum d’animaux. Et ça fonctionne. En septembre dernier, Nini, un cerf du Loiret a été le premier cervidé au monde à être équipé d’une prothèse pour se déplacer. « C'est une très bonne chose ! Cette prothèse, c'est la moindre des choses pour ce qu'on lui doit. Très souvent, un animal est euthanasié, car c'est presque impossible de vivre sur trois pattes. Il vivra et c'est très bien comme ça. »⁴ estime Patrick Violas. Plusieurs prothèses pour animaux maltraités ont déjà été créées. La chamelle Gipsi ou encore Joséphine, la cigogne avaient été sauvées grâce à la science et à l'innovation. Des perroquets ont même reçu une prothèse de bec.
Haut-lieu de sensibilisation et d’inclusion
À La Tanière, la sensibilisation du grand public est au cœur du projet. Et ce, dès le plus jeune âge. Le zoo-refuge accueille des bénévoles toujours prêts à expliquer l'impact des activités humaines sur la faune et la flore ou encore l’importance de la préservation de la biodiversité. Devant chaque enclos, l’histoire de l’animal est racontée. Le but ? Faire prendre conscience au public de la réalité et de la nécessité de protéger ces animaux. Au refuge, le public devient acteur à part entière de la protection de la biodiversité et de la lutte contre la maltraitance animale. Le refuge accueille tous les publics, y compris des publics en situation de handicap, 90 % du parc est accessible aux personnes à mobilité réduite. « Nous travaillons avec des bénévoles et des soigneurs formés pour accompagner les groupes d’enfants ou d’adultes en difficulté, afin qu’ils puissent pleinement profiter de l’expérience. » conclut Patrick Violas.
²ibid
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