Si Wangari Maathaï, « la femme qui plantait des arbres », est décédée en 2011, l’organisation qu’elle a laissée derrière elle n’a pas cessé de contribuer à la préservation de l’environnement ni au bien-être des populations kényanes. Créé en 1977 avec l’aide du Conseil national des femmes du Kenya, le Green Belt Movement (GBM) est un acteur-clé de la reforestation comme du développement de l’Afrique subsaharienne.
Par Alban Wilfert
© Freepik
Planter des arbres : régénérer l’environnement et faire vivre les communautés
Ces dernières années, nombreuses sont les pépinières et les serres qui ont vu le jour aux quatre coins du Kenya. Les graines qu’on y plante sont, pour la plupart, destinées à être achetées par le Green Belt Movement.
L’organisation fondée par Wangari Maathaï affiche un impressionnant bilan, avec 51 millions d’arbres plantés entre 1977 et 2019. Elle travaille étroitement, sur place, à la préservation des sols avec l’Agence Française de Développement, et à la restauration des paysages avec le moteur de recherche Ecosia.
La qualité de l’air revivifiant les écosystèmes la reforestation permet d’améliorer les ressources en eau, ce qui est utile à la consommation des populations comme à l’irrigation des exploitations agricoles et aux activités des centrales hydroélectriques. Sans oublier les rivières traversant la réserve nationale du Masai Mara, à l’importante fréquentation touristique.¹
Qui a dit que préservation de l’environnement et développement économique étaient incompatibles ? L’activité du Green Belt Movement n’est pas sans retombées positives pour les populations. Les 4000 serres rapportent à ceux qui y travaillent — une vingtaine de salariés pour chacune — des revenus non négligeables. « Green Belt m’a beaucoup aidée. Avec l’argent des plants qu’ils m’achètent, j’envoie mes enfants à l’école, j’achète le nécessaire pour la maison et j’économise un peu », déclare Anna Wankiju.²
Les travailleurs ont même instauré « un système de microfinances. Quand l’un d’eux a un problème, il peut accéder à de l’argent facile. Aujourd’hui, ils ont presque un capital d’un demi-million de shillings, de l’argent disponible pour les membres qui veulent un prêt avantageux », précise Peter Missiko, responsable de projet.³
Une pensée en actes
Au-delà des arbres plantés, c’est la « pensée holistique » de Wangari Maathaï qui, en 2004, lui a valu le Prix Nobel de la Paix.
De fait, le GBM a rapidement pris en considération les causes de la dégradation de l’environnement et de l’insécurité alimentaire. D’une part, les valeurs anciennes, qui ne sont pas sans rappeler la philosophie japonaise du Mottainai, appelant à « réduire, réutiliser, recycler », auraient été perdues de vue. D’autre part, trop de confiance aurait été donnée à des dirigeants qui n’ont pas agi dans le sens du bien commun, voire gagnés par la corruption. Dès les années 1980, Wangari Maathaï et son organisation ont dénoncé les projets de Daniel arap Moi, président du Kenya, de construire un immeuble d’affaires dans le parc d’Uruhu ou une maison luxueuse pour lui-même, obtenant finalement leur abandon.
L'organisation promeut un modèle de développement à bas carbone, reposant sur l'emploi des énergies renouvelables en Afrique. Mais pour elle, c'est aux communautés locales de prendre des décisions relatives aux défis qu'elles rencontrent. Au premier rang des « acteurs du changement sur le long terme » viennent les femmes : « une fois celles-ci autonomes en termes de gestion des ressources naturelles et de changement climatique, la famille entière en bénéficie », expliquait en 2015 Aisha Karanja, directrice exécutive.
Dans cette optique de transmission, le mouvement entretient des liens avec les institutions, de manière à organiser des cours d’éducation civique et environnementale. Ecoliers et étudiants sont ainsi sensibilisés à la nécessité de planter des arbres, mais aussi à l’hygiène et à l’assainissement de l’eau. Des initiatives complémentaires à la livraison de filtres à eau par Basic Water Needs, société néerlandaise elle aussi partenaire du Green Belt Movement.⁴
Changer les choses
Dénonçant une action publique néfaste, le GBM se fait également activiste. Parfois défaite, comme lorsqu’une autoroute a été construite entre Nairobi et l’aéroport international Jomo-Kenyatta entre 2019 et 2022 malgré son opposition, l’organisation a toutefois remporté quelques victoires majeures. En 2003, elle parvenait à faire renoncer le gouvernement kényan à la cession illégale, à des acteurs privés, de portions de la forêt de Karura.
Plus récemment, le GBM a rencontré des succès d'ordre culturel. David John Francis, ancien ministre en chef du Sierra Leone, s’est ainsi référé à Wangari Maathaï publiquement en s’engageant à financer l’éradication du plastique et à planter un million d’arbres chaque année.⁵
C’est dans ce souci de changement dans les politiques publiques que cette dernière s’est engagée dans les années 2000, devenant députée puis ministre de l’Environnement du Kenya ou encore ambassadrice pour l’écosystème du bassin du Congo. Comme elle aimait à le dire, « Quand on plante des arbres, on plante les graines de la paix, et des graines d’espoir. »
²Ibid
³https://www.rfi.fr/fr/emission/20190311-the-green-belt-movement-kenya ⁴https://www.greenbeltmovement.org/sites/greenbeltmovement.org/files/GBM%202020%20ANNUAL%20REPORT_0.pdf
⁵Ibid
Comentarios