En 2016, Lea d’Auriol a eu une révélation : il faut sauver les océans pour sauver la planète. Elle a alors créé Oceanic Global, une ONG internationale dédiée à la protection des océans. En six ans, les effets sont déjà largement visibles.
Par Lola Breton
© Oceanic Global
C’était censé être sa quinzaine de vacances. La seule de l’année. Lea d’Auriol travaillait alors à New York dans l’événementiel, « l’une des industries les plus gaspilleuses », a-t-elle compris depuis. La jeune femme, alors âgée de 25 ans, tombe sur une information qui va changer le cours de sa vie. « J’ai lu qu’il nous restait 10 ans avant que notre impact sur les océans soit complètement irréversible. Je me suis demandé pourquoi personne n’en parlait et surtout pourquoi personne ne faisait rien de cette information. Et je me suis dit : ̎Pourquoi pas moi ? ̎ »
La fondation Oceanic Global est née ainsi. En quelques mois, Lea d’Auriol a réussi à mettre sur pied sa première campagne de sensibilisation, à Ibiza, contre le plastique à usage unique. En s’associant à des artistes locaux, la fondation a ramassé le plastique présent sur toutes les côtes de l’île et l’a transformé en sculptures géantes. Le 20 juillet 2017, l’événement Oceanic x Ibiza a réuni plus de 4 000 personnes. « Cela a permis de mettre la lumière sur une problématique sous silence, explique Lea d’Auriol. Ibiza s’est ensuite engagée à arrêter l’utilisation des produits en plastique à usage unique. Cela a également mis en lumière le besoin de protéger une espèce végétale marine essentielle à la survie des côtes et des fonds marins de la région : la posidonie. »
Sensibiliser le public
Ce premier événement a eu lieu il y a cinq ans désormais, mais la passion est toujours là. La trentenaire franco-britannique, qui a quitté New York pour retourner vivre à Londres, a fait de cette passion son métier à plein temps. « Le paysage de l’actionnariat autour du sauvetage des océans est complètement différent aujourd’hui, se réjouit la directrice exécutive d’Oceanic Global. Les gens ont pris conscience des enjeux que nous avons devant nous. Il faut maintenant transformer cette prise de conscience en actions concrètes. »
Si l’ONG s’est d’abord focalisée sur les questions de plastique, c’est loin d’être le seul défi dont elle s’est emparée. « Beaucoup de nos actions concrètes ont à voir avec l’extension des aires marines protégées, par exemple. La question de la pêche au sein de l’Union européenne nous a également pris énormément de temps. Sur ce genre de sujets nous travaillons conjointement avec d’autres ONG, comme l’association Bloom de Claire Nouvian, grâce à qui nous avons réussi à atteindre l’interdiction de la pêche à impulsion électrique en 2021. »
Lea d’Auriol s’attache à sensibiliser le grand public à tous les grands enjeux qui menacent les océans. Y compris ceux dont on parle peu, comme l’exploitation minière des fonds marins. « C’est un sujet essentiel, estime-t-elle. Ces exploitations servent à récupérer des minerais, notamment ceux qui composent les batteries des véhicules électriques. Il suffirait qu’il y ait un seul incident lors d’une extraction pour que les choses prennent une toute autre tournure dans les océans. » Pour atteindre le maximum de personnes, Oceanic Global a créé des hubs régionaux chargés de promouvoir les actions de l’organisation. Des programmes éducatifs sont également développés à l’intérieur de la fondation pour sensibiliser sur ces sujets.
Protéger la planète bleue
Mais ce n’est pas tout. Lea d’Auriol a vite compris qu’il lui fallait également atteindre les grandes entreprises et industries pour faire changer les choses. Elle a créé le standard Blue. Celui-ci permet de travailler à la réduction du plastique dans les industries, jusqu’à son élimination complète. « Nous aidons actuellement 400 entreprises de toutes les tailles dans 26 pays différents à effectuer cette transition hors du plastique », souligne Lea d’Auriol. Une action globale qui participe à réduire la pollution des océans à grande échelle.
Lorsque nous lui parlons au téléphone, Lea d’Auriol s’apprête à vivre un grand moment pour ce qui représente le troisième pilier de l’activité d’Oceanic Global : le travail conjoint avec les institutions. Dans le cadre de la COP27, organisée en Egypte, Lea d’Auriol a organisé The Ocean x Climate Summit, car « il est temps que l’océan prenne une place centrale dans l’agenda global pour protéger notre planète bleue ». L’occasion de partager son expérience, son travail, mais aussi ses convictions avec un parterre de décideurs réunis dans un but précis : sauver la planète. Lea d’Auriol n’en est pas à son coup d’essai face à de tels représentants. Depuis plusieurs années, Oceanic Global est partenaire de la journée mondiale des océans, décrétée par les Nations Unies, qui se déroule le 8 juin. Sa voix résonne alors dans les plus hautes instances.
Choisir la joie
Et la voix de Lea d’Auriol lorsqu’elle parle des océans et de la nécessité de les sauver n’est empreinte d’aucune hésitation. « J’ai grandi à Hong Kong, une île. Nous étions entourés par l’océan. J’ai toujours eu cette connexion émotionnelle avec lui. Déjà à l’époque, je voyais les effets qu’avait la pollution. Mon frère est asthmatique. Certains jours, il avait du mal à respirer à cause de l’air complètement contaminé. Je me souviens aussi des phénomènes de marée rouge qui arrivaient souvent quand l’eau devenait trop toxique, réduisant ainsi les taux d’oxygène. » Elle ne pouvait pas s’en douter enfant, mais Lea d’Auriol a donc fini par faire de la préservation de ces eaux son combat de tous les jours. « Je sais que c’est la mission d’une vie », dit-elle lorsqu’on l’interroge sur le futur de sa fondation. Un poids qui peut parfois être difficile à porter, mais qu’elle accepte.
Surtout, Lea d’Auriol tente de se souvenir pourquoi elle fait tout ça. « Nous vivons sur une planète magnifique. Voilà pourquoi nous essayons de la sauver. Voilà pourquoi il faut choisir la joie, toujours. Si l’on donne toute son énergie et que l’on vit dans la peur, ça ne fonctionnera pas. » Et à ceux qui souhaiteraient s’engager pour sauver cette si belle Terre sans y dédier leur vie, la fondatrice d’Oceanic Global donne un conseil : « Il n’y a pas qu’une seule manière de s’engager. Être disponible en permanence n’est pas indispensable. Au contraire, l’important est de se demander : ̎Où puis-je avoir le plus d’impact dans ma propre vie ? ̎ Si vous travaillez dans une banque d’affaires, par exemple, vous serez sûrement plus utile au sein de votre banque pour tenter de faire cesser les investissements massifs en faveur des énergies fossiles. Servez-vous de vos forces pour aider à instiller le changement global. »
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