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La logistique : maillon essentiel de la souveraineté française sous pression

La logistique : maillon essentiel de la souveraineté française sous pression

Face à des exigences environnementales croissantes, une pression réglementaire difficile à suivre et un foncier de plus en plus rare, la filière logistique se trouve à un tournant décisif. Acteurs publics et privés alertent sur l’urgence de stabiliser le cadre fiscal et d’accompagner les investissements pour garantir la résilience d’un secteur vital pour l’économie, la souveraineté et les territoires. Entre innovations, décarbonation et planification, la logistique française redéfinit ses priorités pour rester efficiente et compétitive.


Image générée par IA - © freepik
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La logistique : un secteur stratégique et vital


« On peut faire de la logistique sans industrie, mais l'industrie ne peut pas se faire sans logistique. La logistique n’est pas seulement un outil économique, elle est aussi un instrument de stratégie nationale. » soutient Clément Beaune, Haut-Commissaire au Plan et à la Stratégie. Représentant 150 000 entreprises et 1,8 million d'emplois, la filière est stratégique que ce soit pour l’économie, l'emploi ou le développement des territoires. Chaque jour, ce sont près de 100 kg de marchandises par personne qui sont transportées. Elle est aussi un facteur important de compétitivité. La logistique assure la continuité de nos activités économiques même dans les moments les plus critiques comme lors de la Covid-19. Traversant les crises, elle s’adapte sans discontinuité. « Une chaîne logistique robuste est indispensable pour la continuité de la vie de notre Nation et la souveraineté de notre pays. La crise sanitaire, les catastrophes naturelles, les tensions géopolitiques, les chocs économiques n'ont pas épargné notre pays ces dernières années. À chaque fois, c'est la logistique qui a tenu le cap grâce à la réactivité et au professionnalisme de l’ensemble de la filière » poursuit Clément Beaune. Mais le secteur reste sous pression, plus que jamais…


L’accès au foncier : une problématique à lever


Outre cette difficulté à se projeter, la filière doit également faire face à la pression du foncier. Avec la loi Climat et résilience, la France s’est dotée d’une trajectoire visant à réduire progressivement l’artificialisation des sols, jusqu’à atteindre l’objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN). Début 2025, ce dispositif a continué d’évoluer : une proposition de loi émanant du Sénat vise à en ajuster l’application, tandis que la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale poursuit ses travaux. Le secteur du transport et de la logistique sont concernés au même titre que d’autres secteurs. Sur les dix dernières années, il représente environ 2 % de la consommation d’espaces naturels liée à l’urbanisation. L’application du ZAN soulève toutefois des enjeux concrets pour la filière, tant sur le plan économique — accès au foncier, implantation de nouvelles infrastructures — qu’en matière d’organisation territoriale. Le secteur fait de son côté des efforts et trouve des solutions à l'instar de la mutualisation des espaces. « Dans un contexte de raréfaction du foncier, la question de la mutualisation des usages devient un levier de plus en plus exploré. L'idée consiste à optimiser des espaces existants en milieu urbain en évitant qu’ils soient dédiés en permanence à une seule fonction. Certains acteurs suggèrent, par exemple, de partager des infrastructures entre la logistique et d’autres activités. C’est le cas des garages de remisage de bus, qui sont souvent vides en journée — moment où les besoins logistiques sont les plus importants — et occupés la nuit, lorsque les flux de livraison diminuent. Ce type d’usage alterné permettrait de limiter le gaspillage foncier et de rendre compatible l’activité logistique avec les objectifs de sobriété fixés par les politiques d’aménagement », partage Christophe Rippert. Une partie des collectivités et acteurs publics se sont d’ailleurs mis d’accord sur la question du foncier. « Le conseil d’administration du port de Strasbourg a pris une position claire : on ne vendra plus de terrain, donc plus de cessions. Et au-delà de ce principe, on engage une véritable stratégie de reprise en main. La reconquête passe, quand c’est possible, par le rachat de foncier. Mais racheter du terrain, c’est cher, même pour un port. On avance avec les moyens dont on dispose, mais l’objectif reste le même : protéger le foncier stratégique et l’utiliser de manière plus ciblée, plus durable. » soutient Anne-Marie Jean, Conseillère municipale de Strasbourg et Vice-Présidente de l’Eurométropole de Strasbourg. Du côté de la région Hauts-de-France le son de cloche est sensiblement similaire : « On cartographie les fonciers à haute valeur de report modal pour les mettre à disposition des élus. On identifie les implantations existantes, les ITE, les comptes fonciers des différents acteurs… et l’idée, ce n’est pas de commander — parce qu’aucune collectivité n’est sous la tutelle d’une autre, ce n’est pas notre rôle —, mais de dire clairement où se trouvent les meilleurs potentiels. L’objectif est d’inviter les élus à ne pas cacher les disponibilités foncières, parce que, soyons clairs : plus personne ne vendra rien. On essaie de répartir l’effort de manière soutenable, à la fois pour le développement économique et pour les territoires, et on organise une véritable planification foncière. Il ne s’agit plus de laisser faire : il faut éviter que n’importe quoi se passe, n’importe où. » note Christophe Coulon, Vice-Président de la région Hauts-de-France.


S’adapter aux exigences environnementales


Les exigences environnementales pèsent de plus en plus sur la filière logistique qui doit s’adapter. Aujourd’hui, seulement 12 % du transport logistique est ferroviaire et fluvial… Il faut donc diversifier le mode d’acheminement des marchandises. Une volonté portée Philippe Tabarot, ministre des Transports : « Nous devons augmenter la part du fret ferroviaire, aujourd’hui bloqué à un seuil autour de 10 % du transport de marchandises. C’est clé pour accélérer à la fois la décarbonation des chaînes d’approvisionnement et toute la logistique. C’est aussi essentiel pour désengorger nos routes, les rendre plus fluides et plus sûres. Dans la loi cadre, nous allons acter une hausse de l’investissement de ce réseau, de l’ordre de 1,5 milliard d’euros par an supplémentaire à compter de 2028. Cet effort, nous allons le financer grâce notamment au fléchage des recettes des péages autoroutiers. Plus d’investissements pour la régénération et la modernisation de nos infrastructures ferroviaires, c’est plus d’attractivité pour le fret ferroviaire. D’ores et déjà, des infrastructures d’envergure voient le jour pour faciliter le transport de marchandises : je pense notamment à la liaison transfrontalière Lyon–Turin, qui permettra le transport, à travers les Alpes franco-italiennes, de 25 millions de tonnes de marchandises sur les rails. » L’heure est donc à l’accompagnement pour le verdissement y compris pour la route. « La montée en puissance des véhicules électriques doit être facilitée par le déploiement accru des bornes de recharge et par un accompagnement financier simple et lisible pour les nouveaux véhicules : leur surcoût et sa prise en charge restent un point d’attention pour toute la filière. Il faut aussi développer les mesures incitatives extra-financières, comme un accès local facilité aux zones réglementées et au stationnement pour les motorisations à faibles émissions. Enfin, les routes doivent voir leur modèle de financement pérennisé, en veillant à ce que les prélèvements sur l’usage de la route soient au maximum fléchés vers ses besoins de financement » requiert France Logistique. L’Etat est par ailleurs pleinement engagé dans cette démarche d’accompagnement de la filière et quelques initiatives ont d’ores et déjà vu le jour : « La décarbonation est un sujet sur lequel nous avons travaillé avec plusieurs acteurs du secteur. Nous avons publié, à la mi-juillet, une analyse comparative des alternatives au poids lourd diesel, afin d’objectiver les avantages et les limites de chaque solution. Concernant l’électrification, dont chacun mesure l’intérêt, elle sera longue et coûteuse — c’est vrai —, et c’est pourquoi nous l’avons intégrée dans la trajectoire pluriannuelle de la stratégie nationale bas carbone. Nous observons néanmoins des progrès rapides, tant du côté de l’offre industrielle, qui couvre désormais la majorité des cas d’usage, que des modèles économiques, avec l’émergence d’offres intégrées permettant de lisser les coûts. Pour accompagner cette transition, des aides renforcées sont en place depuis le 1er janvier 2025 : les certificats d’économies d’énergie peuvent aller jusqu’à 60 000 euros pour l’achat d’un tracteur routier, avec un plafond de suramortissement fiscal qui couvre désormais une part substantielle de l’écart de coût avec le diesel. Parallèlement, nous travaillons à lever les freins opérationnels, notamment en clarifiant les recommandations des assureurs sur l’installation des bornes de recharge. » partage Thomas Courbe, Directeur de la Direction Générale des Entreprises, à Bercy.


La logistique de demain


Pour répondre à ces défis, des groupes comme Paprec ou Geodis misent sur l’IA, la donnée, l’éco-conduite ou encore le fluvial. Des start-up comme Atoptima optimisent les flux grâce à des outils de mathématique avancée pour les chaînes logistiques. Leur technologie permet de générer des plannings de transport ultra-efficaces, en réduisant drastiquement les trajets superflus ou mal coordonnés. Résultat : jusqu’à –3 % de coûts opérationnels, – 20 % d’émissions de CO2 et un temps de planification divisé par cinq. Déployée dans des environnements B2B, notamment pour des opérateurs de distribution urbaine ou des entreprises de logistique intégrée, la solution permet de concilier performance économique et gain écologique – sans transformation lourde de l’infrastructure. Chez Geodis, la transformation logistique passe d’abord par une maîtrise souveraine de la donnée. Le groupe a déployé sa propre plateforme interne, une « data platform souveraine », pour structurer, fiabiliser et exploiter l’ensemble des données opérationnelles. « Aucune donnée n’est injectée si elle ne vient pas directement des applications métier », explique François Bottin, responsable digital chez Geodis. L’objectif : garantir des indicateurs fiables, éviter les biais et permettre le déploiement d’intelligences artificielles robustes. La gouvernance de la donnée devient une infrastructure à part entière, avec rôles définis, systèmes d’accès, API et formats normalisés. Cette rigueur permet à Geodis d’anticiper les flux, réduire les trajets à vide, et optimiser ses schémas de transport dans un contexte de pressions multiples – réglementaires, énergétiques, climatiques. Pour réduire leur impact environnemental, les acteurs logistiques s’engagent dans des stratégies de massification, de mutualisation des flux, et de retour au fluvial. Cela suppose de revoir l’urbanisme, les circuits et les pratiques de livraison. « 75 % de nos émissions de gaz à effet de serre proviennent du transport. On cherche vraiment à décarboner au maximum ces flux-là. On a des collectes 100 % électriques en Île-de-France. À Gennevilliers, on utilise le fluvial notamment pour les déchets de chantier. On mise beaucoup sur ce nouveau mode de transport » souligne Lucie Muniesa, Directrice du développement durable et des affaires institutionnelles de PAPREC. Sur les innovations de décarbonation du secteur, la dynamique s’accélère : la Commission européenne a sélectionné 70 projets destinés à accélérer la décarbonation des transports et à renforcer la compétitivité industrielle de l’UE. Plus de 600 millions d’euros seront mobilisés via le mécanisme pour l’interconnexion en Europe afin de financer des infrastructures de recharge et de ravitaillement dans les villes, ports, aéroports et le long du réseau RTE-T. Vingt-quatre ports bénéficieront d’installations d’alimentation électrique à quai et d’infrastructures pour carburants bas carbone, dont l’ammoniac. Par ailleurs, plus de 500 nouveaux sites de recharge pour poids lourds, incluant des chargeurs mégawatts, renforceront le maillage énergétique européen. La transition logistique s’ancre véritablement dans les territoires : ports, métropoles, régions... Tous prennent des initiatives pour planifier, expérimenter, coordonner. Face à des crises dont l’ampleur et le calendrier demeurent imprévisibles, la logistique de demain devra reposer sur une planification plus structurée. L’enjeu n’est plus seulement de gérer l’urgence, mais d’anticiper à 5, 10 ou 25 ans pour bâtir des chaînes réellement résilientes. « Marseille-Fos 2050, c’est une feuille de route très claire : devenir un hub complet articulé autour de cinq piliers – logistique, passagers, énergie, industrie et numérique. Le numérique est un axe stratégique majeur : l’arrivée des câbles sous-marins, le déploiement d’applications innovantes et de l’intelligence artificielle feront l’objet de plusieurs dizaines de millions d’euros d’investissements dans les cinq prochaines années, parce que c’est un véritable levier de souveraineté. Nous structurons aussi le territoire : malgré les contraintes du ZAN, nous avons dégagé 700 hectares de foncier stratégique sans artificialiser davantage. Ces espaces accueilleront des projets industriels décisifs – production de carburants alternatifs pour l’aviation, hydrogène local, usine de panneaux photovoltaïques – qui contribueront directement à la compétitivité nationale et feront de Marseille-Fos un leader des énergies décarbonées d’ici 2050. » explique Sarah Amri. Cette projection dans le temps long ne concerne pas uniquement les infrastructures ou les flux : elle touche désormais le numérique, devenu un pilier de souveraineté. « Le numérique va faire partie des pôles d’investissement majeurs pour les cinq années à venir », rappelle-t-elle, évoquant « plusieurs dizaines de millions d’euros » consacrés à ces outils qui renforcent la maîtrise des données, la traçabilité et la performance opérationnelle. Les collectivités aussi ont des outils à leur disposition. « Les collectivités disposent depuis des décennies des outils nécessaires ; il leur suffit d’oser s’en emparer. Les SCOT et les PNU offrent déjà un cadre puissant pour territorialiser réellement les stratégies foncières et logistiques, mais ils restent sous-utilisés. Les outils existent : aux collectivités de s’en servir. C’est un appel à l’audace que je lance » partage Anne-Marie Jean. « Ma conviction est claire, la performance logistique repose sur la complémentarité des modes de transport. Chaque maillon de la chaîne, maritime, ferroviaire, routier, aérien, possède des atouts. L'enjeu, les articuler avec intelligence pour en démultiplier les forces et ainsi créer une logistique qui soit cohérente, qui soit résiliente et bien sûr qui soit optimisée. » conclut Clément Beaune.

 
 

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