Réinsérer les jeunes en situation de vulnérabilité : des solutions qui transforment des vies
- camilleleveille8
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En France, en Europe et à l’international, la réinsertion des jeunes fragilisés (NEET, décrocheurs, ex-détenus, jeunes en grande précarité) est un enjeu majeur. Avec 1,1 million de jeunes accompagnés chaque année par les missions locales en France et près de 1,5 million de 15–29 ans hors emploi/études/formation, les dispositifs existent — mais leur efficacité dépend du financement, de la coordination et de la qualité des partenariats public-privé.¹

En France : l’accompagnement intensif fait la différence
Les missions locales constituent le point d’entrée pour de nombreux jeunes : 1,1 million accompagnés, 242 000 entrées en parcours personnalisé et 200 000 en parcours intensif (Contrat d’engagement jeune - CEJ) selon le réseau national. Ces structures proposent un suivi socio-professionnel, une médiation administrative et des mises en relation avec des employeurs locaux. « Quand on offre du temps et un suivi soutenu, un jeune reprend pied — c’est ce que nous observons chaque jour »², explique Stéphane Valli, président de l’Union nationale des missions locales.
Les évaluations publiques montrent aussi l’impact du CEJ : le nombre de bénéficiaires a crû en 2023 et l’accompagnement intensif augmente les chances de retour durable à l’emploi.³ « Quand je suis arrivée à la mission locale, je n’avais plus confiance en moi et je n’osais plus postuler nulle part », raconte Mélissa, 22 ans, originaire de Saint-Étienne. « On m’a aidée à refaire mon CV, à trouver un stage en logistique… et trois mois plus tard, j’avais un contrat. Sans eux, je serais encore chez moi à tourner en rond. » Kévin, 18 ans, sans diplôme et sans aucune ressource financière, pourra bénéficier du Contrat d‘Engagement Jeune. Son programme : 3 mois dans sa Mission Locale avec son conseiller qui lui proposera des ateliers collectifs pour travailler sur son projet professionnel et effectuer des stages en entreprise en bénéficiant d‘une allocation de 561,68 euros par mois. Intéressé par le sport, il pourra ensuite faire un service civique de 8 mois dans une association qui propose des activités sportives à des jeunes en difficulté. Pour finir, avant de se lancer sur le marché du travail, il retournera dans sa Mission Locale pendant 1 mois pour préparer des entretiens d‘embauche avec son conseiller et démarcher des entreprises. Objectif : à la fin de son programme, Kévin aura trouvé un emploi dans un domaine dans lequel il s’épanouit.⁴ Mais pour pérenniser les résultats les acteurs alertent sur les menaces liées à la baisse des financements et demandent une stabilisation des budgets.
En Europe : un cadre utile, une mise en œuvre inégale
La Youth Guarantee — cadre européen pour proposer une offre (emploi, formation, apprentissage) dans les quatre mois — a aidé des millions de jeunes depuis 2013, mais son efficacité dépend largement des moyens nationaux. En Finlande et en Irlande, où les services publics de l’emploi collaborent étroitement avec les municipalités et les entreprises, les taux de NEET figurent parmi les plus bas d’Europe. Ailleurs, le sous-financement laisse inévitablement des jeunes à la marge.⁵ Le taux de NEET en Europe varie par exemple de 5 % (Pays-Bas) à près de 19 % (Roumanie). « Je n’avais aucune idée de ce que je voulais faire », explique Mateo, 19 ans, accompagné dans le cadre de la Youth Guarantee en Espagne. « Le conseiller m’a orienté vers une formation courte en cybersécurité. Aujourd’hui, je fais une alternance dans une PME. C’est la première fois que je me projette. » Le European Pillar of Social Rights Action Plan comprend un objectif visant à réduire le taux de NEET de 12,6 % en 2019 à 9 % d’ici 2030, en améliorant leurs perspectives d’emploi. La Commission a également lancé ALMA, une initiative d’inclusion active destinée aux jeunes les plus défavorisés, offrant notamment la possibilité d’acquérir une expérience professionnelle dans un autre État membre de l’UE. La Commission européenne encourage les États membres à renforcer leurs investissements dans l’emploi des jeunes. Un financement important est disponible dans le cadre du budget européen à long terme et de NextGenerationEU, avec pour objectif de soutenir l’emploi des jeunes à hauteur d’au moins 22 milliards d’euros sur la période 2021-2027. Le Fonds social européen Plus (FSE+) constitue une ressource financière clé de l’UE pour soutenir la mise en œuvre de la Garantie jeunesse et financer des projets et réformes favorisant l’intégration des jeunes sur le marché du travail. Sur la période 2021-2027, il contribue à l’emploi des jeunes dans les États membres à hauteur de 11 milliards d’euros. Par ailleurs, il est estimé que le Fonds pour une transition juste soutiendra l’emploi des jeunes dans l’UE avec un financement supplémentaire de 150 millions d’euros sur la période 2021-2027.
International : des modèles reproductibles — Generation et YouthBuild
Des ONG montrent la voie avec des approches ciblées. Generation propose des bootcamps métiers (numérique, logistique, santé) construits avec les entreprises partenaires dans 15 pays. Ses rapports indiquent des taux d’accès à l’emploi de l’ordre de 70–80 % dans les 6 mois suivant la formation pour beaucoup de programmes nationaux, notamment en Espagne, au Kenya ou aux États-Unis.⁶
YouthBuild, né aux États-Unis et étendu en Amérique latine et en Afrique, a déjà touché plus de 300 000 jeunes. Le modèle repose sur un principe simple : apprendre un métier en participant à des projets utiles au quartier (rénovation, construction, énergie propre), tout en développant le leadership. « Avant YouthBuild, je pensais que je n’arriverais jamais à finir une formation », confie Claudia, 20 ans, participante au programme au Mexique. « Le fait de construire quelque chose pour les autres m’a donné une motivation réelle. Aujourd’hui, je travaille dans une entreprise de menuiserie. »
Si ces programmes portent leurs fruits, rien n’est jamais acquis. Pour poursuivre la dynamique engagée et permettre à cette jeunesse en mal d’avenir de retrouver l’espoir et une place active dans la société, il est essentiel de stabiliser les financements des missions locales et des parcours intensifs au travers de budgets pluriannuels, de renforcer les partenariats entreprises-terrain avec des engagements de recrutement et des offres co-construites (pré-apprentissages, bootcamps) et enfin de mieux repérer les invisibles (rue, maraudes, associations) pour raccrocher les plus éloignés.
L’insertion des jeunes vulnérables n’est pas un pari incertain : c’est un domaine où l’impact est mesurable, concret avec des conséquences positives visibles sur l’ensemble de la société et dans le long terme.
Les réussites françaises, européennes et internationales montrent qu’un accompagnement intensif, une formation pertinente et des partenariats avec les entreprises permettent de transformer radicalement des parcours fragiles. Dans un contexte où le nombre de jeunes en Europe restant sans emploi ni formation se comptent encore en millions, investir dans ces dispositifs n’est pas un geste social — c’est une décision stratégique pour l’avenir de notre continent et plus largement du monde.

