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Des citoyens mobilisés et engagés

Une brève lecture des titres de nos quotidiens, toutes tendances politiques confondues, n’appelle guère à l’optimisme : éco anxiété, solastalgie, réchauffement climatique, menace nucléaire... Sauf à entrer dans le détail et à prendre connaissance des solutions proposées par les citoyens pour reprendre pied dans ce monde souvent inquiétant. Alors, au-delà du pessimisme ambiant, se dessine un avenir porteur de sens et de conscience. Tour d’horizon de quelques initiatives enthousiasmantes !


Par Sarah Pineau



« Un gagnant est un rêveur qui n’abandonne jamais »


Cette citation pourrait prêter à sourire. Sauf quand on connaît son auteur : Nelson Mandela, parangon de l’engagement, d’abord, de la réussite, ensuite. Les cigaliers, joli nom des membres du Club d'investisseurs pour une Gestion ALternative et Locale de l'Epargne solidaire (CIGALE) sont-ils des rêveurs ? Peut-être. En tous cas, aujourd’hui près de 5 000 cigaliers contribuent financièrement à l’émergence de projets solidaires et locaux : ressourcerie, épicerie de vrac livré en vélo cargo, unité de méthanisation, centrale photovoltaïque citoyenne, crèche coopérative, centre de découverte sur l’âne, atelier de réparation de vélos… et ce le plus simplement du monde : tous les mois les cigaliers réunis dans un club investissent dans un pot commun 30 à 50 euros chacun afin d’accompagner des projets porteurs pour leur territoire. Il s’agit d’un mode de gestion collective et participative de l’épargne, au service d’un bien commun palpable puisque localisé dans leur environnement proche. C’est ce qu’indique une cigalière de la région sarthoise : « Ma rencontre avec les cigales lors d’une réunion d’information m’a permis de trouver le moyen d’agir concrètement pour l’économie locale ». Un club apporte en moyenne 3 000 euros à un projet.

Les entrepreneurs sociaux accompagnés par Ashoka, appelés "fellows", sont d’autres rêveurs. Septième ONG la plus influente dans le monde, pionnière de l’entrepreneuriat social, Ashoka identifie et soutient depuis 40 ans plus de 4 000 acteurs de l’innovation sociale dans 95 pays. Chaque année en France, entre trois et six nouveaux acteurs de changements rejoignent la communauté. Ils sont 75 aujourd’hui. Le concept ? « Le changement à la racine », explique Maylis Trassard, responsable communication d’Ashoka x Changemaker Companies. « On accompagne des projets qui, tout en palliant des difficultés conjoncturelles, s’attaquent aux causes structurelles et ont une ambition de changement sur le long terme ». A la différence d’un entrepreneur classique, le fellow accompagné ne cherche pas à tirer l’entier bénéfice de son idée ; celle-ci doit présenter un cadre suffisamment solide pour être facilement réplicable en tous temps et en tous lieux, « gage de sa pérennité » détaille Maylis Trassard. Et ça fonctionne, à l’instar d’Open Food Facts, pensé par Stéphane Gigandet, fellow Ashoka de la promotion 2020 française. Open Food Facts est une base de données nourrie par des volontaires qui recense l’ensemble des valeurs nutritionnelles des produits alimentaires. Les données collectées sont ouvertes et accessibles à tous, notamment aux scientifiques qui s’appuient sur elles pour étayer leurs recherches, par exemple sur l’impact des additifs sur la santé. C’est ainsi avec l’aide des données d’Open Food Facts, qu’a été inventé le Nutri-Score, système de notation de la qualité nutritionnelle largement adopté en France avant d’être généralisé par de nombreux pays européens à la suite des recommandations de l’OMS. Quant à la genèse de son idée, Stéphane Gigandet répond rapidement : « Je me suis appuyé sur une volonté citoyenne que j’identifiais autour de moi, celle de mieux s’alimenter ». Quand rêveur devient synonyme de promoteur…


« Aux âmes bien nées la valeur n’attend pas le nombre des années »


S’il y a fort à parier que les étudiants croisent dans leur scolarité cette célèbre citation tirée du Cid de Corneille, son sens n’est pas qu’à rechercher dans les livres : aujourd’hui elle s’incarne de plus en plus dans des initiatives prises par cette jeune génération pour faire bouger les lignes dans les établissements supérieurs. Total veut s’installer sur le campus de Polytechnique ? Il fait face à une fronde d’une partie des étudiants qui dénoncent une stratégie d’influence du groupe sur « les cerveaux des futurs cadres de la nation » et finit par abandonner son projet après deux ans d’opposition. A noter que le groupe LVMH qui a fait connaître son intention d’implanter un centre de R&D pour le « luxe durable et digital » sur ce même campus fait l’objet d’oppositions similaires, en dépit des garanties « vertes » dont il a pris soin d’entourer son projet. Si l’exemple étonne, c’est que Polytechnique n’est pas connu pour ses aspirations révolutionnaires ; certains y ont même vu une contradiction avec la réserve dont sont censés faire preuve ses étudiants, sous statut militaire. Il faut plutôt y voir une aspiration de la jeunesse à dessiner les contours de son avenir professionnel et personnel, les deux étant, bien plus qu’auparavant, intimement liés : « que restera-t-il du vivant à étudier si nous n’avons rien fait pour l’empêcher de s’effondrer ? »¹ s’interroge ainsi le collectif EFFISCIENCES, fondé par des étudiants des écoles normales supérieures. Alors ces jeunes agissent. En mars dernier, le groupe d’ingénieurs INSA et The Shift Project ont publié « ClimatSup Insa : former l’ingénieur du XXIe siècle » qui est tout à la fois un « rapport, un guide méthodologique pour les écoles et un manifeste pour l’ingénieur du futur » précise Bertrand Raquet, président du groupe Insa.² Pour l’heure, seuls 11% des formations abordent les enjeux climat-énergie de manière obligatoire. Mais les établissements prennent conscience du poids qui pèsent sur leurs épaules… Sommés, volontairement ou non, de se mettre en mouvement par leurs étudiants, ils prennent les devants. Entre une école de commerce qui propose à tous de prendre part à un projet solidaire en groupe,³ une autre⁴ qui offre un parcours certifiant pour diplômer des experts des enjeux économiques et géopolitiques du climat ou encore, une pépinière d’ingénieurs⁵ qui encourage l’entreprenariat à se conjuguer au féminin, en somme, l’avenir a de beaux jours devant lui !




¹ « Alignons notre pratique scientifique sur les enjeux impérieux de ce siècle » , tribune collective parue dans le monde, mai 2022, [En ligne : https://www.lemonde.fr/sciences/article/2022/05/11/alignons-notre-pratique-scientifique-sur-les-enjeux-imperieux-de-ce-siecle_6125674_1650684.html]

² Consulter le rapport : https://theshiftproject.org/former-les-ingenieurs-a-la-transition/

³ ESSCA, École Supérieure des Sciences Commerciales d’Angers

⁴ TBS, Toulouse Business School

⁵ Dispositif « Exception’elles » porté par les IMT Mines Albi et Alès

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