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Education à l'empathie et à la philanthropie : l’engagement dès le plus jeune âge

Développer une citoyenneté éclairée, en cultivant les valeurs liées à l’intérêt général et à l’altruisme, est essentiel. Cultiver « en plus de leur programme scolaire [...] l'empathie, la solidarité et la bienveillance »¹ est possible, explique le docteur Brunet, pédiatre ayant participé à un projet réunissant des enfants et des personnes âgées. Ou comment construire le monde de demain en continuant à sensibiliser, responsabiliser et éduquer dès le plus jeune âge pour une société apaisée et prometteuse. Le monde enseignant, autant que les parents, y sont favorables.


Par Camille Léveillé



Prendre exemple


« Les enfants naissent tous empathiques. C’est une qualité naturelle, présente dès les premiers mois de vie, mais qui demande à être développée. L’empathie, telle qu’on la connaît chez l’adulte, émerge à partir des 6 ans de l’enfant. Elle lui permet de se mettre à la place de l’autre en dépassant une dimension strictement émotionnelle pour apporter une aide adaptée aux besoins d’autrui. Mais cette disposition a besoin d’être soutenue, encouragée, voire cultivée. En effet, pour des raisons à la fois biologiques, affectives et sociales, à l’approche de l’adolescence, les comportements prosociaux diminuent drastiquement. » témoigne Carole Réminny, directrice générale de l’Ecole de la philanthropie. Ce n’est donc pas un hasard de voir au Danemark, pays qui figure parmi les pays dans lequel le taux de bonheur par habitant est le plus élevé, un modèle scolaire unique au monde intègre une heure de cours d’empathie de 6 à 16 ans par semaine, aucune note avant 14 ans et des cours dispensés en forêt, etc. Les élèves apprennent à vivre ensemble, à partager et à communiquer. Selon le philosophe australien Roman Krznaric, l’empathie serait même l’une des clefs du bonheur. Les Etats-Unis s’engagent également au travers de l’apprentissage de la bienveillance. L’UNESCO a dédié un programme à cette thématique « Apprendre pour l'empathie : un programme d'échange et de soutien d'enseignants ». Parrainé par le Japon, et à destination d'Etats comme le Bangladesh, le Pakistan ou l'Indonésie, il vise à intégrer la vision holistique de l’apprentissage au sein des écoles.


Conscientiser l’empathie auprès des élèves


« L’attitude altruiste nourrit l'estime de soi. Les enfants qui cultivent leur empathie sont des enfants qui grandissent mieux et développent une meilleure estime d’eux-mêmes. Dès le plus jeune âge, les enfants respectueux des autres et des émotions qu’ils peuvent ressentir sont des enfants mieux préparés à vivre en démocratie » explique Bruno Humbeeck, psychopédagogue. En France, l'école de la philanthropie propose depuis 10 ans « aux enseignants et aux animateurs, un programme pédagogique pour sensibiliser les enfants de 8 à 11 ans à l’intérêt général et les inciter à mener des actions solidaires ». L’éducation à l’empathie et par la philanthropie est « comme une ombrelle qui peut aider à cimenter les enseignements fondamentaux tels que savoir lire, écrire, compter ou encore prendre la parole en public et l’enseignement moral et civique » témoigne Carole Réminny.

« Le programme proposé par l’Ecole de la philanthropie permet aux enfants, dans un premier temps, de faire l’expérience consciente de l’empathie. Pour avoir une posture philanthropique, il est nécessaire de comprendre et de ressentir les besoins de l’autre sans projeter ses propres attentes. Ensuite, nous aidons les enfants à faire le lien entre philanthropie et empathie, notamment dans des situations de vie quotidienne. Nous évoquons également avec eux, au travers de 6 thèmes différents, les grands enjeux de notre monde. Les enfants votent démocratiquement pour la cause qu’ils souhaitent soutenir. En choisissant, ils se sentent davantage engagés dans cette démarche. Vient enfin le temps de l’action où les enfants vont choisir l’association avec laquelle ils souhaitent développer et mettre en œuvre leur projet. » développe Carole Réminny.


Des projets inspirants


L’école de la philanthropie est partenaire de 42 associations. « Je suis toujours admirative de l’engagement des enfants et profondément touchée par la sincérité qu’ils y mettent » dévoile la Directrice générale. « Le projet qui m’a le plus marqué était le projet mené dans une école du 20e arrondissement de Paris qui avait choisi de s’engager dans la lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Les enfants ont souhaité se mobiliser autour de l’association Robin des Rues. Ils avaient besoin, depuis plusieurs années, de traduire leurs documents dans les langues d’origine de leurs bénéficiaires vivant dans la rue, pour pouvoir communiquer avec eux. Cette école accueillent des enfants de 20 origines différentes. Ils se sont donc emparés du guide de discussion écrit par Robin des Rues et ont demandé à leurs parents de traduire les textes. Cela a permis de mettre en valeur les différentes cultures des familles et de rapprocher les parents de l’école. A la fin du programme, une grande fierté était palpable. La communauté éducative était plus soudée et les enfants sont allés présenter le projet à la mairie de leur arrondissement. C'est un projet qui allie de nombreuses valeurs » témoigne Carole Réminny.

A Vaulx-en-Velin (Auvergne-Rhône-Alpes), une rencontre entre les bénéficiaires des Petits frères des Pauvres et les jeunes élèves d’une classe de primaire a permis des échanges et des activités partagées. « Afin de travailler sur l’ouverture et l’altérité, j’ai voulu qu’ils vivent une expérience altruiste, en contact avec la pauvreté et l’exclusion » explique Aude Court, leur enseignante. « Pour être sensibilisé, rien de mieux que le concret et le vécu partagé ! »²


Faire émerger un vivre ensemble


« Entre le début et la fin de l’année, les élèves, plus sensibles au vivre ensemble, apprennent en effet tout au long du projet, à avancer ensemble, à collaborer, s’écouter et partager » souligne Carole Réminny et d’ajouter : « L’enseignement à et par la philanthropie n’est pas qu'un concept. Il permet aux enfants de se construire et de s’épanouir. Encourager l’exercice de la solidarité et de la générosité au service de l’intérêt général, c’est combattre le repli sur soi et le communautarisme, réduire les fractures sociales en apprenant aux enfants à tisser des liens altruistes et solidaires pour mieux vivre ensemble. En donnant également aux enfants – et notamment aux plus fragiles – l’opportunité de trouver leur place à l’école et de développer une nouvelle appétence pour apprendre, elle contribue à la lutte contre le décrochage scolaire par exemple ». L’émergence de ce vivre-ensemble réduit également les violences en milieu scolaire, notamment le harcèlement. « La clinique de la résilience met en place des dispositifs au sein des écoles permettant de prévenir le harcèlement au travers d'espaces qui protègent la prise de parole émotionnelle des enfants et qui stimulent au sein de la classe les mécanismes d’empathie. L'objectif est d’agir de manière préventive mais également réactive afin de lutter contre ce fléau » développe Bruno Humbeeck et de poursuivre : « Les résultats auprès des enfants sont assez spectaculaires car l’intelligence émotionnelle stimule l’intelligence collective et ces résultats sont visibles au quotidien ».

En somme, « le vivre ensemble ne s’impose pas, il se construit. » explique le psychopédagogue.


Les nombreux bénéfices de l’enseignement à l’empathie et à la philanthropie au coeur de l’école ne semblent plus à démontrer, et les initiatives émergentes laissent à penser qu’un mouvement porteur est en marche. Alors pourquoi ne pas généraliser cette discipline dans l’ensemble des établissements scolaires en France, d’autant que 82% des Français y sont favorables³, et plus généralement dans le monde ?



¹Jeanne Sénéchal, "La maternelle à l'Ehpad : «Les enfants ont plus appris auprès des résidents qu'à l'école»", Le Figaro, 13 février 2022

³ https://www.ecoledelaphilanthropie.org/2022/09/13/doit-on-apprendre-la-philanthropie-a-lecole-pour-82-des-francais1-la-reponse-est-oui/

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