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En finir avec les maltraitances infantiles !

En 2022, en moyenne, un enfant a été tué par l’un de ses parents tous les cinq jours en France.¹ Et près de 24 % des Français déclarent avoir été victimes d’une forme de maltraitance grave dans leur enfance. Face à ce fléau, de nombreux acteurs sont mobilisés et s’engagent à l’instar de L’Enfant Bleu – Enfance Maltraitée, association qui œuvre pour lutter contre les maltraitances infantiles et pour accompagner les victimes dans leur reconstruction.

Retour sur les actions et projets de l’association avec Laura Morin, directrice nationale de l’Enfant Bleu.


Propos recueillis par Camille Léveillé


© Freepik


Une réalité dramatique


Les statistiques sur la maltraitance infantile font froid dans le dos. Selon un sondage Harris pour l'Enfant Bleu qui œuvre depuis plus de 30 pour lutter contre ce fléau, 24 % des Français déclarent avoir été victimes d’une forme de maltraitance grave dans leur enfance et ils sont 44 % à penser qu’un membre de leur entourage a été victime. « Cela signifie donc que l’on connaît tous dans notre entourage proche ou éloigné quelqu’un concerné. Il s’agit d’un véritable problème de santé publique et les citoyens n’en ont pas ou peu conscience » souligne Laura Morin. 75 % des victimes n’ont jamais porté plainte concernant les violences qu’ils ont subis étant mineurs. « Cette statistique justifie par exemple que nous accueillons au sein de l’association les victimes mineures mais aussi les adultes qui ont été victimes durant leur enfance » poursuit Laura Morin.


L’importance d’un suivi adapté


Avec une explosion du nombre d'appels au standard de l’Enfant Bleu, l’association fait face à une nouvelle réalité. « Entre 2019 et 2022 nous avons enregistré une progression de 45 % des appels. C’est phénoménal. Répondre et écouter chacune des personnes qui effectue cette première démarche représente un grand défi pour l'association » note la directrice de l’association avant d’ajouter : « Notre accompagnement est réellement personnalisé. Pour chaque bénéficiaire nous prévoyons un suivi différent en fonction de ses besoins et de son traumatisme ». Après un premier contact avec l’association, le bénéficiaire sera accompagné par un écoutant-référent pour recueillir le témoignage de la personne, l’écouter. Tout le long du suivi, le bénéficiaire aura le même interlocuteur, point essentiel pour Laura Morin : « Cela permet au bénéficiaire de ne pas avoir à répéter son histoire plusieurs fois, ce qui pourrait renforcer le traumatisme. Le lien de confiance est essentiel ». Ensuite, un psychologue, une juriste et l’écoutant-référent se réunissent pour adapter l’accompagnement en fonction des besoins de chacun. « Chaque année nous accompagnons plus de 1500 victimes. Depuis 30 ans nous avons accompagné plus de 33 000 personnes sur l’ensemble du territoire » dévoile la directrice nationale.

« J’ai été victime de violences sexuelles, physiques et psychologiques dans mon enfance, par plusieurs personnes de mon entourage, notamment familiales. De 17 à 20 ans, j’ai vu plus d’une dizaine de psychologues et psychiatres. C’était épuisant. [...] L’année de mes 20 ans, juste avant l’été, une professeure m’a conseillé de contacter l’association. Pendant deux mois, une écoutante m’a régulièrement appelée, ce qui m’a permis de parler et de trouver un semblant de cadre (l’école était mon seul cadre, alors les vacances étaient très difficiles et déstructurantes pour moi). [...] Ici les psychologues connaissent les conséquences des violences, savent à quel point c’est dévastateur et veulent protéger les victimes. Ce n’est que depuis mon arrivée ici que j’ai le sentiment d’avancer. J’ai aussi été accompagnée par des juristes dans mes démarches judiciaires. [...] Aucun enfant ne devrait avoir à faire face seul aux maltraitances et aux traumatismes. D’ailleurs, le silence et l’inaction des adultes aussi sont un traumatisme. Je suis triste de n’avoir jamais été protégée. J’aurais tellement aimé connaître l’association quand j’étais petite. La petite fille que j’étais restera toujours seule face aux violences, toujours abandonnée. Et ça, c’est irréparable »² témoigne Céliane, 23 ans, suivie depuis 3 ans par l'Enfant Bleu.


La double facette des jeux-vidéos


Si le premier confinement a été un moment difficile pour bon nombre de Français, il a été dangereux pour les enfants victimes de maltraitance qui se sont retrouvés enfermés, pour beaucoup, avec leur agresseur. En effet, plus de 80 % des violences à l’encontre des enfants se déroulent dans un cadre intrafamilial. L’Enfant Bleu a réagi en créant un avatar homonyme, dans le jeu vidéo Fortnite, fortement apprécié des plus jeunes. « Nous avions besoin de trouver un moyen de donner la parole aux enfants et adolescents sans que les potentiels agresseurs s’en aperçoivent. Notre personnage a eu des résultats probants puisque durant son activation 1200 enfants ont ajouté l’Enfant Bleu en 3 semaines. Parmi ces 1200 ajouts, 30 % des mineurs se sont avérés être victimes de maltraitances graves. Une fois que notre initiative a été médiatisée, nous avons été contraints de désactiver l’avatar car nous ne souhaitions pas que les agresseurs puissent intervenir » explique Laura Morin.

Depuis cette réussite, une première mondiale, l’association a créé un groupe de travail avec les forces de police, la justice, Adrien Taquet, ancien Secrétaire d’Etat chargé de l’Enfance et des Familles largement engagé dans la protection de l’enfance, Havas, entreprise de communication et le syndicat des éditeurs de jeux vidéo. « L’objectif est de réfléchir ensemble à la meilleure façon d’utiliser les nouvelles technologies afin de donner la possibilité aux enfants de trouver de l’aide mais aussi de sensibiliser les parents et les enfants quant aux dangers existants. En effet, si la sécurité et la sensibilisation sur les dangers des réseaux sociaux est importante, celle sur les jeux vidéo n’est pas assez développée. Or, les prédateurs l’ont bien compris. Nous avons découvert tout un champ de travail à investir et donc ce sera la suite de notre mobilisation » témoigne la Directrice nationale de l’Enfant Bleu.


2023 : renforcer la lutte contre les violences infantiles


« Durant ces 5 dernières années, nous avons beaucoup travaillé avec Adrien Taquet qui a fait un travail formidable. 2 rapports ont été rendus, 4 lois ont été promulguées et la plateforme Signal Sport a été créée au sein du ministère des Sports » souligne Laura Morin. Pourtant, si les responsables politiques, Adrien Taquet en première ligne, ont permis une évolution législative notamment, le chemin à parcourir reste encore long. L’association, elle, reste force de proposition. « Les médecins pourraient être mieux protégés, ce qui faciliterait les signalements lorsqu’ils identifient un enfant victime de maltraitances. Nous préconisons également la vérification des antécédents de toutes les personnes qui travaillent en contact avec les enfants. Ce sont deux mesures parmi de nombreuses autres qui permettraient de maximiser la protection de l'enfance en France » explique la directrice nationale de l'Enfant Bleu.

Au-delà de ce travail de plaidoyer, l’association souhaite se concentrer sur les actions de sensibilisation notamment dans les écoles car « lorsque nous menons ce type d’action, à l’issue de notre intervention nous avons presque systématiquement des enfants qui nous révèlent être victimes » pointe Laura Morin et d’ajouter : « Nous nous attachons également à sensibiliser les plus jeunes pour leur donner les armes et les connaissances pour pouvoir alerter et pour avoir les bonnes réactions. Nous souhaiterions également pouvoir mettre plus de moyens pour la prise en charge des victimes. Notre objectif serait de garder la qualité de prise en charge que l’on a actuellement et de pouvoir accueillir plus de personnes ainsi que de réduire les temps d’attente. Nous allons continuer à nous battre et à travailler pour faire évoluer les choses dans le bon sens. En sommes, tout enfant, où qu’il soit doit avoir la même protection et les mêmes chances de survie. Aujourd’hui, en France, rappelons qu’un enfant sur cinq décède suite aux maltraitances qu’il subi ».


Malgré tout, l’espoir perdure. « Un enfant victime qui est pris en charge rapidement est un enfant qui a toutes les chances de pouvoir grandir sereinement. Si les citoyens prennent leurs responsabilités, c'est-à-dire s’ils avertissent les autorités ou associations lorsqu’ils ont un doute concernant d’éventuelles sévices subis par un enfant, nous sommes en mesure de le prendre en charge très rapidement. Nous ne sommes pas impuissants face à la maltraitance infantile. Nous pouvons tous faire quelque chose » souligne Laura Morin.


Si vous le souhaitez, vous pouvez consulter le site internet de l'Enfant Bleu ici : https://enfantbleu.org/


¹ Un enfant tué par un de ses parents tous les cinq jours en France, s'alarme l'Unicef, TFI1 Info, 20 novembre 2022, https://www.tf1info.fr/societe/un-enfant-tue-par-un-de-ses-parents-tous-les-cinq-jours-en-france-s-alarme-l-unicef-dans-un-rapport-2239229.html

² Rapport d'activité 2021, l'Enfant Bleu


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