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L’improvisation théâtrale, les arts de la scène au service de l’épanouissement personnel

Se délester du poids parfois pesant du regard des autres tout autant que de son propre jugement peut sembler une tâche ardue. C’est pourtant la promesse de l’improvisation théâtrale. Le temps d’un instant sur scène, le champ des possibles offert par l’expression artistique permet de confronter ses peurs et se jouer des codes en mettant l’interaction et l’écoute à l’honneur. Un exutoire adapté à tous types de personnalités, timides comme extravertis, permettant de contribuer à l’épanouissement personnel en s’appuyant sur les possibilités infinies qu’offre le 6e art.

 

Par Alexis Papin

 


© Shutterstock

 

Une discipline au succès grandissant

 

Pratiquée depuis l’Antiquité, l’improvisation n’est pas un exercice nouveau. Les tragédies grecques ou encore la commedia dell’arte du XVIe siècle faisaient déjà la part belle à l’imagination de leurs interprètes.   Mais l’improvisation théâtrale s’est réinventée pour devenir une discipline à part entière. Elle prend différentes formes, du spectacle interactif où le public impose ses thématiques aux matchs d’improvisations importés du Théâtre Expérimental de Montréal dès la fin des années 1970. Un « sport-théâtre » qui connait une reconnaissance croissante dans le milieu des arts de la scène. La Ligue Française d’Improvisation (LiFi) s’invite dans des salles de renom : Trianon, Cirque d’Hiver, Elysée Montmartre, Cabaret Sauvage, Cigale, Bataclan… Le décret belge Arts de la scène actualisé en juillet 2022 intègre l’improvisation à la liste des disciplines subventionnées par l’Etat. Avec ce succès croissant, les pratiquants affluent en même temps que les ligues et les troupes se multiplient. Dès les années 2000, les ligues et troupes amatrices ont explosé et contribué à cette affluence nouvelle. En France, ce sont aujourd’hui 50 à 60 personnes qui composent chacune d’entre-elles.[1] Outre-atlantique, The Upright Citizens Brigade aux Etats-Unis a largement contribué à la renommée de cette pratique sur scène avant de s’exporter à la télévision dans de nouveaux formats mettant l’improvisation à l’honneur à l’image du désormais célèbre Saturday Night Live. La popularité croissante de cette discipline  à travers le monde entraine de nouvelles formes de rencontres internationales. La Ligue d’Improvisation Lyonnaise, forte de ses relations avec des compagnies québécoises, belges et suisses, organise régulièrement des matchs à la salle du Transbordeur, ouverts à près de 900 spectateurs.

 


Bienfaits innombrables

 

Outre la pratique professionnelle émergente, nombre d’amateurs s’essayent à l’exercice avec enthousiasme, et pour cause. Les innombrables bienfaits de la pratique attirent. La maxime d’Aragon selon laquelle la critique devrait être une sorte de « pédagogie de l’enthousiasme », prend tout son sens dans la pratique de l’improvisation où oser est encouragé. Véritable thérapie pour les timides, les ateliers permettent de libérer la parole. L’association A Petits Pas s’appuie sur l’improvisation pour accompagner les personnes souffrant d’anxiété sociale et étendre leur zone de confort dans un cadre bienveillant, le tout animé par une ancienne timide maladive qui a surmonté ses difficultés sur les planches. En Afrique, le « kotéba », forme d’improvisation née du folklore traditionnel bambara, sert de thérapie psychiatrique à l’initiative de l’hôpital national de Bamako pour sa fonction socialisatrice sans pareil. Pour tous, l’improvisation est riche en apprentissage pour maîtriser son corps, ses émotions et accepter son propre langage en s’autorisant la parole. « L’improvisation permet une liberté d’expression absolue, elle permet de soustraire la honte au ridicule. » explique l’humoriste Gustave Parking, créateur de l’association Gwad-Impro proposant des stages d’initiation.[2] « Scientifiquement, on estime que les ateliers entrainent un  formidable approfondissement de la pensée divergente, donc de la créativité. » précise Julien Mallet-Cosson, psychologue du travail et comédien improvisateur. Mais bien plus qu’une pratique cantonnée au développement des capacités individuelles, c’est dans le partage et l’empathie collective que la pratique prend tout son sens. S’immiscer dans la position d’autrui est essentiel, permettant ainsi de saisir l’ampleur des phénomènes d’incivilités, de sexisme et de violences en prenant la place de l’autre.

 

 

L’improvisation au bénéfice des organisations

 

La discipline s’ouvre sur de nouveaux usages, s’agissant d’une forme d’expression qui ne se limite pas à la seule création artistique. « Pour participer à un atelier d’improvisation, il n’est pas tant question de compétences mais plutôt de valeurs. Du moment que plusieurs personnes s’entendent sur des valeurs comme l’ouverture aux autres ou encore l’acceptation de l’erreur, improviser ensemble est possible. » ajoute Julien Mallet-Cosson proposant lui-même des formations d’improthérapie plébiscitées par les entreprises. En mettant la communication, la pensée créative et la résolution de problèmes en temps réel à l’honneur, les entreprises s’appuient sur l’improvisation pour son pouvoir en matière de team building, sous la forme du jeu. Die Gorillas en Allemagne ou encore l’Art du vertige en France proposent des ateliers visant à développer l’épanouissement professionnel. « Y compris dans le cadre d’une animation de formation, le maître mot reste de prendre du plaisir. » précise Julien Mallet-Cosson.

 

 

Au coeur de l’inclusion

 

Dès 1977, aux origines du match d’improvisation contemporain, le québécois Robert Gravel avait souligné un objectif fort : casser l’élitisme du théâtre. Dans cet esprit, l’improvisation est aujourd’hui utilisée comme un véritable ressort d’inclusion sociale au sein des quartiers défavorisés. A Trappes, le Déclic Théâtre a marqué les débuts d’un jeune Jamel Debbouze qui ne cesse depuis d’encenser la discipline qui lui a montré la voie. « La force du Déclic Théâtre, c’est qu’ils vont vers les gens. C’est de la vraie politique de proximité. La compagnie frappe à ta porte et te propose quelque chose qui peut te sauver la vie. » explique-t-il.[3] Aujourd’hui, l’improvisation trouve sa place dans les collèges et lycées et même au sein des Ecoles de la 2e chance. La LiFi intervient au sein de l’établissement parisien, dédié aux jeunes en décrochage scolaire. Comme un symbole, la finale de la 12e édition du Trophée d’impro Culture & Diversité s’invitait pour la première fois de son histoire sur la scène de la Comédie française, mettant notamment à l’honneur des jeunes du collège REP+ de Chenove


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