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La grande distribution, acteur de la transition alimentaire

Après avoir analysé pendant près d’un an les engagements de la grande distribution française en faveur d'une alimentation durable et contre le réchauffement climatique, le Réseau Action Climat a conclu que les enseignes étaient encore un obstacle, plutôt qu’un moteur, de la transition alimentaire. Certaines ont toutefois déjà pris la mesure de leur rôle de premier plan dans cette transformation et de l’ampleur du défi qui les attend.¹

Par Amélie Rives


© Michael Burrows

La grande distribution en première ligne Sur le marché de l’alimentation, les acteurs de la grande distribution sont à la fois les plus gros et les plus grands, pour lesquels le changement est donc un défi considérable, mais aussi les plus solides, ceux qui ont le plus de ressources à mobiliser pour y parvenir. Ceux aussi qui par leur taille et leur poids ont le plus d’influence et d’impact. Et par la même plus de responsabilités. A l’heure de l’inflation, c’est aussi vers ces enseignes traditionnelles que se redirigent les consommateurs. Avec la crise, elles ont ainsi gagné des clients au détriment de magasins plus exclusifs, spécialisés ou proposant des produits biologiques notamment, dont les prix sont devenus pour certains, inaccessibles. C’est le cas de Carrefour, qui estime que 80% de ses clients gagnent moins de 2200 euros par mois. La grande distribution a donc un rôle de premier plan à jouer, tant pour impulser le changement et guider ses clients vers une alimentation plus raisonnée et responsable, que pour rendre celle-ci accessible à tous. Pour que « fin du monde » et « fin du mois » ne deviennent qu’un seul combat. Concilier engagement environnemental et exigences business « L’environnement est l’un de mes 5 stakeholders, au même titre que mes clients, collaborateurs, actionnaires, et les institutions. » explique Rami Baitieh, CEO de Carrefour France. Pour ces enseignes, concilier ces impératifs et attentes parfois contradictoires implique de prioriser les chantiers, en identifiant les sujets sur lesquels ils auront le plus d’impact tout en maintenant à l’équilibre le bilan comptable. « Il faut cracker le système » poursuit Rami Baitieh. Chez Carrefour, la priorité est à la lutte contre le gaspillage alimentaire : on estime à 10 millions de tonnes la quantité de nourriture perdue ou gaspillée chaque année en France.²

Une situation qui dessert les consommateurs, l’environnement, mais aussi les enseignes pour qui le gaspillage représente un manque à gagner certain. Depuis janvier 2022, la loi AGEC interdit la destruction des invendus alimentaires sous peine de sanction. Meilleur élève dans cette discipline selon le RAC, Carrefour porte cet engagement depuis plusieurs années : réduction sur les prix à date courte, panier « anti-gaspi » à 3 euros, lancement d’une marque bon marché dédiée aux produits à l’aspect irrégulier avec le collectif Les gueules cassées… Second au classement, Monoprix s’est engagé auprès de la plateforme de revente de produits à date courte Too Good to Go, ou avec sa marque Re-Belle de confitures réalisés à partir d’invendus de fruits et légumes. Des dispositifs qui permettent de proposer des produits moins chers aux consommateurs, d’éviter de puiser inutilement dans des ressources finies, et qui facilitent la gestion et l’écoulement des stocks des enseignes. Autre levier pour favoriser la consommation responsable à des prix abordables dans un cadre acceptable pour l’entreprise : agir en amont en augmentant l’offre de produits locaux. C’est l’objectif que s’est fixé Carrefour, en simplifiant les modalités de contractualisation et en accélération les délais de paiement avec les producteurs locaux. Une mesure avantageuse pour l’enseigne aussi, dans un contexte de crise de l’énergie et de pénurie de conducteurs. Renverser le modèle Mais pour faire bouger les lignes et accélérer la transition alimentaire, il faut aussi traiter l’origine de ces problèmes et notamment notre modèle de consommation, ou plutôt de « surconsommation ». Et le virage doit être pris rapidement : « On ne négocie pas avec l’environnement comme on négocierait avec ses actionnaires ou ses collaborateurs » alerte Maud Caillaux, fondatrice de la banque Green Got. « Et la crise climatique va s’imposer à nous. Mais la bonne nouvelle », rappelle-t-elle « c’est que le « plus on a, plus on est » est une posture culturelle. » On peut donc déconstruire ce discours et le réinventer, en proposant un récit alternatif à celui de la surconsommation et en le rendant plus désirable que le modèle actuel. C’est là tout le rôle que peut jouer la grande distribution, à qui le RAC reproche notamment ses publicités qui encouragent la consommation de produits carnés et laitiers, dont la réduction est pourtant une priorité en matière de protection de l’environnement. Mais Nicolas Bouzou, économiste et essayiste, prévient « il faut ré-enchanter le discours, ne pas faire de l’écologie par la négativité, au risque d’être contre-productif. Par exemple sur le modèle de ce qui a été fait dans beaucoup de villes pour passer de la voiture au vélo, en mettant en lumière ses avantages plutôt qu’en culpabilisant ». ¹ Alimentation et climat : la mauvaise note des supermarchés - Réseau Action Climat (reseauactionclimat.org) ² Le Gaspillage Alimentaire Dans la Grande Distribution - Blog Nous anti-gaspi (antigaspi.com)

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