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Numérique éthique et éducation : engageons-nous pour les générations futures !

Malgré l’interdiction portant sur l’inscription des moins de 13 ans aux réseaux sociaux, nombreux sont les enfants qui disposent d’un compte avant cet âge seuil. Les études montrent que 87% des jeunes de 11 à 12 ans utilisent régulièrement au moins un réseau social.[1] Un constat avec lequel doit désormais composer l’éducation parentale et scolaire. Éduquer à l’ère du numérique est un défi qui va devoir contribuer à la sensibilisation des nouvelles générations au numérique éthique.

 

Par Théo Lhen Tallieu

 

 


© Shutterstock


Un défi de taille

 

L’agence Heaven publiait en fin d’année dernière la 7e édition de son étude Born Social, en partenariat avec l’Association Génération Numérique, destinée à identifier les usages du numérique de la part des moins de 13 ans. Le constat est sans appel : 89% des enfants de 12 ans disposent d’un smartphone. Cette interface numérique s’invite logiquement dans l’enceinte de l’école.[2] Le temps passé par les enfants sur les réseaux croit année après année, d’autant plus après une pandémie qui a donné une nouvelle dimension aux usages du numérique. Un danger dont les premiers concernés, les enfants, prennent conscience. 42% d’entre eux estimaient être trop dépendants des réseaux sociaux en 2022.[3] Chronophage, le numérique concurrence directement les activités valorisées par l’école à l’image de la lecture qui décline dès 12 ans, âge auquel les enfants accèdent massivement aux réseaux sociaux.[4] Les plateformes et leurs algorithmes poussant à la rétention de l’attention des utilisateurs se révèlent particulièrement nocifs dans le développement des capacités des plus jeunes qui sont extrêmement sensibles à l’accoutumance au numérique. En 2019, des psychiatres du King’s College de Londres avaient conclu qu’un enfant sur quatre disposait de troubles addictifs concernant leur smartphone qui se traduisent concrètement par une baisse de la qualité du sommeil et de forts impacts sur la santé mentale. Autant de défis à relever pour l’école — en première ligne — investie d’une nouvelle mission de formation et de sensibilisation des futurs citoyens à un usage raisonné des technologies.



Le numérique comme allié de l’école

 

Affronter ce constat se traduit par des volontés disparates selon les pays, partagés entre la nécessité de composer avec cette nouvelle réalité et celle de ne pas cultiver la dépendance des enfants au sein des établissements scolaires. Après la France en 2018, la Chine en 2021, les Pays Bas ont interdit à leur tour les téléphones dans les écoles cette année. D’autres pays, à l’inverse, considèrent les outils numériques comme une source de distraction contre productive. La Nouvelle Zélande encourage pour sa part le Bring your own device en classe. Malgré ces divergences, l’après-pandémie a marqué un renouveau des stratégies nationales donnant une plus large place au numérique dans l’éducation après des mois qui ont refaçonné l’apprentissage par les cours à distance. C’est le cas de l’Allemagne, initialement réticente à ces approches qui, en 2021, a lancé son initiative d’éducation numérique. « La littératie numérique est devenue aussi importante que la lecture et l’écriture » déclarait l’ancienne ministre fédérale de l’éducation Anja Karliczek, faisant de la capacité à se repérer dans le monde numérique une condition sine qua non de l’égalité des chances.[5] Lancée en début d’année, la stratégie du numérique pour l’éducation 2023-2027 voit également la France réévaluer sa position. Parmi les mesures mises à l’honneur, les programmes devront permettre d’instruire les enfants sur de « premières compétences en codage », les invitant à façonner de leurs mains le numérique de demain. « Après avoir mené une enquête auprès de parents pour mieux comprendre leurs attentes, nous nous sommes aperçus qu’ils souhaitent que l’école se saisisse d’un rôle plus important quant au numérique sur des thématiques concrètes comme la sensibilisation au cyberharcèlement, la vérification de la qualité de l’information ou encore l’apprentissage de la pensée informatique dans la résolution de problèmes. Le numérique nécessite une co-éducation où les parents se saisissent aussi de leur rôle. » explique André Tricot professeur de psychologie cognitive à l’Université Paul Valéry Montpellier 3 et auteur de Apprendre avec le numérique : Mythes et réalités.


 

Former les enseignants

 

A l’international, la formation des personnels éducatifs nécessite une adaptation sans précédent. La figure du professeur voit son rôle repensé afin de se faire porte-parole du numérique éthique et responsable auprès des jeunes générations. En Inde, depuis la pandémie, la plateforme NISHTHA forme les enseignants sur 18 thématiques visant à leur faire identifier les besoins des enfants pour leur inculquer un usage du numérique inclusif et positif. Au Chili, le ministère de l’Education a lancé en mai son projet « Strengthening the digital competencies of teachers » en partenariat avec l’Unesco, qui devra permettre de bâtir de nouveaux standards qui s’appliqueront dans d’autres pays d’Amérique latine et des Caraïbes. Le projet pilote devrait bénéficier à plus de 1 000 enseignants. Il prévoit la création d'outils de diagnostic des compétences numériques dans le but d'identifier les lacunes du personnel enseignant. L'initiative comprend également une plateforme numérique comprenant des parcours d'apprentissage en ligne personnalisés.


 

Edtech : constituer des outils éducatifs éthiques

 

« Les données personnelles en jeu sont celles d’enfants, dans le cadre de leur scolarité : les acteurs impliqués, dont les Edtech, doivent donc intégrer une dimension éthique dans les outils qu’ils proposent. » exposait Marie-Laure Denis, présidente de la CNIL.[6] Ces nouvelles entreprises et start-up spécialisées dans les nouvelles technologies liées à l’éducation auront leur rôle à jouer et devront respecter les standards de transparence et de traçabilité des algorithmes. L’intelligence artificielle, bien que critiquée, connait de nouvelles applications adaptées aux besoins de l’éducation. « Il s’agit de repenser l’IA générative comme un outil au même titre que les calculatrices ont changé l’apprentissage des mathématiques en concentrant les classes sur la méthode de pensée. Un bon élève est celui qui sera capable de déléguer à l’outil pour plus de performance, de créativité, à condition qu’il existe une éthique régissant l’utilisation des IA. » estime André Tricot. L’IA permet aussi le déploiement d’outils nouveaux, plus adaptatifs. Docaposte développe la plateforme EvidenceB, proposant près de 20 000 exercices aux élèves de seconde proposés selon leurs besoins. La réalité virtuelle donne également vie à de nouvelles formes d'apprentissage dans certains pays qui font le choix de l’investissement. La Corée du Sud et le Japon déploient leurs réseaux de lycées en ligne, où l’espace de classe et les enseignements s’appuient sur les technologies de réalité virtuelle et le metavers. Alors que ces outils gagnent en crédibilité, de nouveaux pays tentent de prendre le tournant à l’image de la Pologne ou de l’Allemagne qui établissent de nouveaux programmes. L’équipe LARSEN commune à Inria et au Loria participe également à un programme de recherche visant à introduire la robotique dans les salles de classe pour accompagner les enfants atteints de troubles du spectre autistique. « Ici, le robot est un prétexte pour des situations d'interaction en collectif, ce que nous visons c'est l'inclusion sociale. » explique Jérôme Dinet, professeur de psychologie à l'Université de Lorraine.

 




[2] Ibid.

[3] Ibid.

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