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Pour un sport qui change le monde

Dernière mise à jour : 3 avr. 2023

Le sport inspire, repousse les limites, éduque les individus et transcende les peuples. Au-delà des considérations essentielles de santé, les activités sportives et ses valeurs rapprochent autant qu’elles créent la ferveur et la passion collective. Des caractéristiques reconnues par l’UNESCO qui insiste avec force sur la pertinence des programmes d’Education aux Valeurs par le Sport (EVPS) favorisant « l’équité, le travail d’équipe, l’égalité, la discipline, l’inclusion, la persévérance et le respect ».¹ Pratique vertueuse par excellence, le sport aurait donc le pouvoir de transformer le monde.


Par Théo Lhen Tallieu



Esprit de corps


« Le sport a le pouvoir d’unir les gens d’une manière unique », disait Nelson Mandela. Celui qui avait fait sienne la mission de rassembler les peuples vantait la force du sport dans les dynamiques sociales. Cette faculté se manifeste dans la création du commun, un patrimoine sportif national fédérateur, mais promeut plus généralement la cohésion de la société à toutes les échelles. Au niveau local, les associations oeuvrent à donner tout son sens à la maxime de l’ancien président sud-africain. « Plus que le grand effet de cohésion nationale qui accompagne les évènements sportifs majeurs comme les Jeux Olympiques ou la Coupe du monde de football, ce sont bien les associations sportives qui sont à l’origine de solidarités durables. Nous devons concentrer les efforts sur cette vie associative. » témoigne Jean Minier, directeur des sports du Comité paralympique et sportif Français (CPSF). Le sport prend alors une dimension unificatrice, plus que jamais essentielle dans des territoires fracturés. « La rencontre de personnes d’univers différents autour de la passion crée une véritable confrérie de la sueur, qui défend un même uniforme et partage le succès comme la défaite » ajoute Jean Minier. Moyen d’ancrage dans la société, l’activité physique permet ainsi à tous de s’intégrer dans une communauté de partage. Des initiatives essaiment ainsi un peu partout : à Marseille se tient la huitième édition de « Sport santé seniors » jusqu’en juin prochain, destinée à proposer un vaste panel d’activités physiques gratuites aux plus de 65 ans afin de favoriser leur inclusion. L’association « Fête le mur », s’engage, elle, en faveur de l’insertion professionnelle au sein des quartiers populaires par le développement de la pratique du tennis. Quatre nouveaux terrains ont ainsi vu le jour depuis septembre à Valence, Torcy, Aulnay-sous-Bois et Echirolles.² À l’oeuvre dans l’insertion sociale, le sport est aussi un vecteur de réinsertion. Dans les prisons, 300 surveillants moniteurs de sport prennent en charge les activités physiques des détenus, en partenariat avec plusieurs fédérations sportives.³ Les activités sportives en détention représentent des facteurs clés de réinsertion sociale.


Un terrain d’inclusivité et de diversité


La problématique de l’inclusion dans le sport reste centrale et sera l’un des grands thèmes de Paris 2024 qui soutient la campagne WeThe15 de 2021 visant à « faire tomber les barrières » qui isolent les 1,2 milliard de personnes en situation de handicap dans le monde. Le Conseil de Paris s’est ainsi engagé par le biais de huit conventions en collaboration avec le CPSF, les comités départementaux handisport et les associations APF France Handicap et ASEI. Une coopération qui doit favoriser l’accélération de l’accessibilité de la ville, permettre une pratique du sport régulière aux personnes en situation de handicap et encourager leur participation à la vie citoyenne. L’occasion aussi de mettre en lumière les disciplines du parasport. En décembre 2019, la « charte sur la représentation des personnes en situation de handicap dans les médias » a été signée par le gouvernement, le CSA et les chaînes de télévision. « Nous avons tendance à percevoir les personnes en situation de handicap en creux, au regard de ce qu’elles n’ont pas. » appuie Jean Minier, « L’activité sportive permet de renverser cette perception, en considérant plutôt ce qu’elles sont capables de faire avec les moyens qui sont les leurs. C’est là, l’une des vertus principales du sport, l’influence sur les représentations sociales de la personne en situation de handicap y compris pour apprendre à notre échelle à apprécier une performance à l’aune des capacités des personnes. » Pourtant, les préjugés sont coriaces. Les qualifications genrées qui accompagnent certaines pratiques ou restreignent les champs des pratiques perdurent, mais se voient bousculées grâce aux performances exceptionnelles d’athlètes inspirantes devenues porte parole à l'image de Megan Rapinoe, La footballeuse et ancienne capitaine de la sélection américaine, a oeuvré tout au long de sa carrière pour la reconnaissance du sport féminin. Un engagement qui a permis d’aboutir enfin à un accord sur le salaire égal entre les équipes nationales masculines et féminines à l’horizon 2028.⁴ L’artiste Lekha Singh porte également la réappropriation de domaines associés aux hommes, en photographiant « Wonder Woman », une pratiquante d’haltérophilie américaine de 47 ans qui « repousse les limites de cette discipline de tradition masculine. » Ou comment le sport et l'art réunis peuvent sublimer l’effort et rendre hommage à l’égalité entre les sexes.


Enseigner la paix par le sport


En tant que langage universel, le sport fait voler en éclat les barrières, qu’elles soient, culturelles, linguistiques, religieuses ou politiques. Un statut exceptionnel qui en fait un formidable outil d’entente et de paix depuis l’Antiquité et la première trêve olympique en pleine guerre du Péloponnèse. Des principes qui résonnent encore aujourd’hui, comme le rappelle la dernière charte des Jeux Olympiques entrée en vigueur le 8 août : « L’Olympisme est une philosophie de vie exaltant et combinant en un ensemble équilibré les qualités du corps, de la volonté et de l’esprit. Alliant le sport à la culture et à l’éducation, l’Olympisme se veut créateur d’un style de vie fondé sur la joie dans l’effort, la valeur éducative du bon exemple, la responsabilité sociale et le respect des principes éthiques fondamentaux universels. » Cette union indissociable entre paix et sport se manifeste aussi dans les grands objectifs de développement durables fixés par l’ONU. « Nous reconnaissons la contribution grandissante du sport à la réalisation du développement et de la paix dans sa promotion de la tolérance et du respect, et la contribution qu’il apporte à l'autonomisation des femmes et des jeunes autant qu’à la santé, l’éducation et les objectifs d’inclusion sociale. » définit la résolution 70/1 adoptée par l’Assemblée générale le 21 octobre 2015.

Le sport influence aussi les relations internationales comme le rappelle Lukas Aubin, chercheur associé à l’IRIS : « Le sport est un instrument géopolitique. Au même titre que d’autres il s’agit d’un instrument de puissance. Il permet de signifier une intention, positive ou négative à l’égard d’autres États. Le sport peut donc être un outil de paix, de cohésion, de diplomatie qui permettrait de renouer le dialogue entre les nations. » À l’origine de formidables instants d’entente, les grands évènements sportifs offrent l’occasion de l’établissement d’une relation entre nations adversaires, à l’image de la délégation commune des deux Corée au moment de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques d’hiver 2018 à Pyeongchang.


L’athlète : un porte-parole du monde de demain


« Plus que les discours des cadres, ce sont les paroles et les actes des athlètes qui sont les grands porteurs du changement. » estime le directeur des sports du CPSF, Jean Minier. La magie d’un exploit dépasse les clivages et donne l’opportunité du changement vers un monde meilleur. Le boycott de la guerre du Vietnam par Mohamed Ali, les poings levés de Tommie Smith et John Carlos aux Jeux Olympiques de 1968, et le genou à terre de Colin Kaepernick sont autant d’illustrations emblématiques de l’impact politique du symbole sportif. Auparavant contestataire, la grande lutte pour l’égalité dans le sport s’est désormais institutionnalisée sous l’égide des fédérations. La Ligue de Football Professionnel mène depuis 2019 une campagne annuelle avec les associations Foot Ensemble, PanamBoyz & Girlz United et SOS Homophobie dans le cadre de la journée internationale contre l’homophobie. Le 17 mai dernier, les différents clubs de Ligue 1 et de Ligue 2 arboraient un flocage aux couleurs arc-en-ciel, dans l’objectif de sensibiliser joueurs comme supporters. Malgré cette institutionnalisation, l’athlète demeurera le porte parole des grandes causes qu’il défend, investi de la légitimité que lui confèrent ses performances exceptionnelles. La grimpeuse iranienne Elnaz Rekabi est devenue une véritable héroïne de son peuple le 16 octobre dernier, lorsqu’elle a participé à la finale des championnats d’Asie sans son hijab, devenant ainsi une figure de la lutte des femmes contre le pouvoir théocratique iranien.⁵


Au-delà de la performance, l’impact


Le sport intégrera assurément les problématiques de sociétés à venir. « En tant que fait social total, le sport a le pouvoir d’éveiller les consciences. Il cristallise de fait les principaux enjeux de société actuels » insiste Lukas Aubin. « La coupe du monde au Qatar, qui ne respecte ni les droits humains ni les normes écologiques, montre déjà qu’une partie de la population occidentale notamment, ne se reconnait pas dans la tenue d’évènements déconnectés des autres problématiques. » Cette insertion du sport dans le champ large transparait sur la jeune génération, en témoigne le lancement du club « Champions de la Paix Junior » par l’ONG Peace and Sport, créée en 2007 par le médaillé Olympique et Champion du Monde de Pentathlon Moderne Joël Bouzou, qui permet aux jeunes étoiles montantes de prendre conscience de l’impact qu’ils auront sur le façonnement du monde de demain. Une responsabilisation nécessaire qui passe aussi par l’évolution de la formation dédiée aux sportifs. « Aujourd’hui, on forme des éducateurs afin qu’ils créent des champions qui feront rêver. Demain, nous souhaitons en parallèle sensibiliser les éducateurs dans une perspective plus large afin qu’ils soient capables de travailler main dans la main avec les mondes de la santé, de l’inclusion, du milieu carcéral, etc. pour avoir un impact positif sur la société dans son ensemble. » indique Yohan Penel, président de la fédération française de badminton, pour qui « les infrastructures doivent aussi devenir des lieux de vie associative centrés sur la cohésion sociale, avant et après la pratique de l’activité. » Ces perspectives d’évolution se manifestent concrètement dans des initiatives innovantes à l’image du lancement de la fondation « 1PACTE gagnant » annoncée par la fédération française de badminton le 27 octobre, qui doit permettre de peser positivement sur la société en s’imposant comme un acteur majeur sur le sujet de l’innovation sociale par le sport. « Cette fondation doit faire prendre conscience du pouvoir du sport dans le financement des projets à impact. Certains mécènes ne souhaitent pas forcément financer la pratique du badminton. En revanche, ils seront intéressés par un projet d’insertion professionnelle par le badminton ou un projet d’accompagnement des malades dans les hôpitaux » précise Yohan Penel. Et de conclure : « Il s’agit en réalité de repenser nos pratiques sportives, plus seulement en termes de performances mais d’intégrer la notion d’impacts quantifiables sur les sociétés. Tous ceux qui sont capables de sortir du cadre purement sportif construisent l’avenir.  »


Association Fête le mur : https://fetelemur.com/




.¹ « Éducation aux valeurs par le sport », UNESCO.

² « 4 nouvelles implantations pour les mois de septembre et octobre ! », Fête le mur : le tennis contre l’exclusion, 3 novembre 2022.

³ « Réinsertion des détenus : les missions de l'administration pénitentiaire », Site Vie Publique, 23 mai 2022.

⁴ Williams, Jay. « Soccer star Megan Rapinoe talks about finally gaining pay equality », NPR, 25 mai 2022.

⁵ « La sportive iranienne Elnaz Rekabi accueillie en héroïne à Téhéran », Le Point, 19 octobre 2022.

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