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Quelles énergies pour le monde de demain ?


39% de la production mondiale d’électricité sont issues de sources « propres » en 2022. Un chiffre inédit, non sans lien avec la guerre russo-ukrainienne qui a souligné les dépendances vis-à-vis de pays producteurs de gaz et de pétrole.[1] S’il s’agit dès lors de recouvrer une souveraineté énergétique menacée, des perspectives nouvelles se dessinent en matière de coopération internationale.

Tandis que ces sources d’énergie se démocratisent plus que jamais, peut-on s’attendre au renversement sans précédent du mix énergétique mondial ?

 

Par Théo Lhen Tallieu

 




Les énergies décarbonées à l’honneur

 

L’agence internationale de l’énergie (AIE) le soulignait en fin d’année dernière : la crise énergétique offre un « élan sans précédent » aux énergies non fossiles. Un grand bond en avant illustré par des chiffres édifiants synonymes du lancement d’une transition énergétique internationalisée. Le dernier rapport de 2022 de l’AIE se montre optimiste quant au maintien de cette tendance, l’étude estimant que les cinq prochaines années marqueront le grand boom des énergies renouvelables. Selon ces estimations, la production propre devrait atteindre les 2400 gigawatts sur la période 2022 à 2027, soit l’équivalent de la production renouvelable des 20 années précédentes cumulées.[2] Plus qu’un tournant pour la transition énergétique, c’est bien le déclin des énergies fossiles qui montre des signes avant-coureurs. Le think-tank Ember Climate anticipe une chute de 20% de ces sources d’énergie au sein de l’Union européenne, mais également de 8% aux Etats-Unis.[3] Certains territoires particulièrement touchés atteignent des records dans leur production renouvelable à l’image de l’Europe, où l’éolien et le solaire ont pesé pour 22% de la production annuelle d’électricité après le lancement du programme RepowerEU. En apparence positives, ces avancées restent à mettre en perspective avec la baisse de la demande en électricité au sein de l’Union qui n’est pas étrangère aux températures records de l’hiver dernier.

 

 

Accélérer collectivement

 

Les nouveaux horizons pour l’électricité propre se matérialisent dans de nombreux projets internationaux qui, en plus d’amorcer la dynamique transitionnelle, font du changement de modèle une affaire collective. Le 24 avril dernier se tenait le second Sommet de la mer du Nord à Ostende. Allemagne, Belgique, Danemark, France, Irlande, Luxembourg, Pays-Bas, Norvège et Royaume-Uni ont ainsi prévu d’atteindre les 300 gigawatts de puissance pour l’éolien offshore installée dans ce bassin maritime d’ici 2050. Une coopération forte comme le précisait le premier ministre belge Alexander De Croo : « Nous n’en sommes plus au stade de la déclaration d’intention. Il faut aujourd’hui une meilleure coordination des projets, une stabilisation des financements et une standardisation, notamment technique, des parcs éoliens. »[4] En plus des projets de construction, des partenariats se déploient à l’image de la déclaration commune entre Londres et Séoul quant au partage d’expertise scientifique dans les domaines de l’éolien offshore, du nucléaire et de l’hydrogène bas-carbone.[5] Autre partenariat « vert » : la déclaration conjointe entre la banque européenne d’investissement et le Kenya, champion africain des énergies vertes, devant permettre de développer la filière hydrogène. L’intérêt pour l’expertise kenyane se manifeste également de la part d’entreprises à l’image du géant italien Eni qui sollicite Nairobi pour développer ses savoirs dans les renouvelables avec comme tête de file la géothermie.[6] De nouveaux acteurs historiquement dépendants du pétrole et du gaz se tournent également vers la transition énergétique. Sultan Ahmed al-Jaber, président émirati de la COP28, aussi ministre de l’industrie des Emirats arabes unis, appelle désormais à tripler les capacités de production électrique d’origine renouvelable d’ici 2030.[7]

 

 

Débats sur les énergies de demain

 

Aux annonces politiques s’adjoignent des réflexions sur les modalités de la transition, revivifiées par le contexte crisogène. Les débats sur la réorganisation des mix énergétiques sont toujours de mise. L’éolien et le solaire, malgré leur déploiement sans précédent, ne permettent pas des rendements suffisants et nécessitent des compléments. L’hydroélectricité continue de faire débat dans différents pays, source de discorde s’agissant d’une énergie décarbonée mais parfois dénoncée par les ONG comme ayant un impact majeur sur la biodiversité. En France, une proposition de loi a été déposée en mai pour relancer cette énergie en rénovant les installations et en développant le parc hydroélectrique pour exploiter 25% de son potentiel inexploité d’ici 2028.[8] L’Allemagne a pour sa part décidé d’abandonner ce type de production. Parmi les autres sources d’énergie en débat, le 30 mars dernier la directive européenne REDIII a inscrit le bois-énergie parmi les énergies renouvelables, tout comme l’hydrogène bas-carbone.[9] Les perspectives de développement autour de la géothermie connaissent un engouement inédit. Déployée en Indonésie, aux Philippines ou encore en Turquie, cette énergie décarbonée permet, en plus de la production d’électricité, de remplacer le gaz dans le chauffage des bâtiments.

 

 

L’innovation, au coeur des enjeux de transition

 

Afin d’assurer la viabilité des projets, la recherche s’active. C’est le cas pour l’hydrogène dont le stockage et le transport nécessitent aujourd’hui encore des processus de cryogénisation non sans dangers. Des chercheurs de l’université de Deakin en Australie sont parvenus à faire passer l’hydrogène de l’état gazeux à l’état solide sous la forme d’une poudre rendant potentiellement viable cette énergie prometteuse.[10] Dans les autres perspectives envisagées, les fermes à miroirs solaires compactes sont en développement pour réduire l’impact qu’elles représentent sur la vie des écosystèmes locaux. De telles avancées permettraient de mener à bien le projet visant à bénéficier de la puissance solaire de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, chaque km2 de désert recevant une énergie solaire équivalente à 1,5 million de barils de pétrole par an. Les promesses de ces projets intéressent. Désormais le Royaume Uni s’allie avec le Maroc au travers de son entreprise Xlinks, tout comme l’Italie avec la Tunisie ou la Grèce avec l’Egypte.

 

 

Vers l’auto-consommation ?

 

Alors que les projets industriels se multiplient, un mouvement parallèle s’affirme, celui de l’autoconsommation. Produire sa propre électricité n’a jamais été aussi envisageable qu’aujourd’hui alors que les outils se démocratisent. « Chez les particuliers, nous constatons de plus en plus d’engouement pour l’auto-consommation. Les avantages pour les consommateurs sont clairs. Le solaire et l’éolien sont rentables sur le long terme et cette production reste protégée des fluctuations du marché comme de l’inflation. » explique Adrien Jeantet, Directeur Services Energétiques d’Enercoop, fournisseur français d’électricité. Et d’ajouter : « L’engouement est bien réel. Nous constatons une explosion de la demande pour l’auto-consommation collective pour laquelle nous réalisons entre 5 et 10 fois plus d’accompagnement qu’il y a deux ans. Cette méthode repose sur le principe de la répartition de la production entre un ou plusieurs consommateurs proches physiquement. Elle intéresse particulièrement les collectivités qui peuvent en bénéficier. Si, par exemple, une école dotée de panneaux photovoltaïques génère plus d’électricité qu’elle n’en consomme, le surplus sera revendu au bâtiment de la mairie. Autre application : de nombreux bailleurs sociaux se tournent également vers l’autoconsommation collective pour installer des dispositifs de production renouvelable sur leurs bâtiments et ainsi vendre une énergie peu chère directement aux habitants. »




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