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À l’épreuve du temps et des changements, l’artiste et son pouvoir

« L’art est la présence dans la vie de ce qui devrait appartenir à la mort ; le musée est le seul lieu du monde qui échappe à la mort » écrivait André Malraux. Cette expression de l’intériorité humaine est le fruit même de la vie et de la technique développée par nos sociétés depuis leur apparition sur Terre. À l’interface entre réel et imaginaire, l’œuvre d’art est un biais de compréhension, un accès direct à l’entendement humain. C’est au travers de cette force symbolique que l’expression artistique a, de tout temps, constitué l’opportunité de revendications fortes. L’artiste peut montrer le chemin, il est et sera acteur du changement.


Par Diane Cassain et Alexis Papin



©️ Sarah Valente


L’art témoin du changement

Le rôle de l’art a interrogé, interroge et interrogera. L'art a constamment été utilisé comme un véritable outil de la mémoire, à l’image des peintures d’Otto Dix de la Première Guerre mondiale qui ont permis à des générations entières de prendre conscience de l’horreur de la Grande Guerre… Selon Sarah Valente, artiste plasticienne et fondatrice de la Greenline Foundation : « L’art doit participer et participera d’une manière ou d’une autre à la transformation du monde et à la survie ou non de notre espèce » et d’ajouter : « L’art est un des vecteurs les plus puissants du monde pour créer de l’émotion, nous questionner, et donc potentiellement faire passer des messages [...]. L’art et la culture ont toujours évolué avec ou contre les mœurs de nos idéologies, c’est intimement lié. On ne peut pas séparer l’art de son époque, des enjeux sociaux, humains, planétaires, de la culture et de l’éducation. Tout cela est lié ».

Émerveiller et unir


En usant de son pouvoir créatif, l’artiste est investi du pouvoir exceptionnel lui permettant de conférer une force symbolique sans pareil à un discours. Un grand pouvoir qui induit de grandes responsabilités, comme l’expliquait déjà Albert Camus le 10 décembre 1957 à l’occasion de la réception de son prix Nobel : « L’art n’est pas à mes yeux une réjouissance solitaire. Il est un moyen d’émouvoir le plus grand nombre d’hommes en leur offrant une image privilégiée des souffrances et des joies communes. Il oblige donc l’artiste à ne pas s’isoler, il le soumet à la vérité la plus humble et la plus universelle. » L’art, s’il peut sembler abstrait, est porteur de la réalité la plus probante, qui prend tout son sens dans le regard et la sensibilité du public. Cette liberté d’interprétation infinie suscite l’émotion de chaque spectateur, qui perçoit de manière unique le message véhiculé par l'œuvre. Malgré cette subjectivité, l'art fédère autour de valeurs communes. Une fois publique, l'œuvre devient le symbole du patrimoine humain, à l’image des grandes créations qui éveillent les consciences comme The Armoured Dove de Banksy, véritable symbole de la pensée pacifiste. Dans cette démarche collective, l’artiste se fait aussi représentant d’une communauté forte, unie autour d’un univers artistique propre. Témoin des cultures de tout horizon, l’art marque l’appartenance en contribuant à créer des identités et des styles uniques, reconnaissables, à l’image du cinéma indien, de l’animation japonaise ou encore de la littérature russe.


Une génération engagée et déterminée

Les effets du réchauffement climatique sur l’environnement et sur nos façons de vivre ne sont aujourd'hui plus à démontrer. Nous en sommes tous les témoins. Aussi, les artistes s’engagent-ils aujourd’hui pour dénoncer, exposer mais aussi proposer un avenir meilleur. « Il n’est plus à prouver que l’art dispose de ce pouvoir de montrer les choses, d’exprimer un point de vue, une réflexion autour d’un sujet ou d’une problématique. C’est en cela qu’il peut et doit utiliser cette force pour mettre en lumière et servir les propos essentiels au monde d’aujourd’hui et de demain » souligne Sarah Valente et de poursuivre : « Les artistes ont aussi la responsabilité de leurs démarches, et cela implique aussi l’exemple que l’on donne. Cela peut changer beaucoup de choses, c’est une certitude. L’art contemporain mais aussi le cinéma, la musique doivent se poser de nouvelles questions et se lancer dans des challenges inédits, ce qui est plutôt excitant. Au-delà d’un monde nouveau plein de contraintes, j’aime à penser qu'il est plutôt un nouveau monde plein de nouvelles possibilités ».


Imaginer un avenir plus respectueux et inclusif ?

La promesse d’un avenir meilleur se dessine au gré des créations artistiques. Issu des possibilités offertes par la nature, l’art a la capacité de nous reconnecter à la planète et au vivant par le biais d’initiatives tournées vers la construction d’un monde respectueux et durable. Promesse portée par Sarah Valente et sa Greenline Foundation créée en 2021, elle recrée le lien essentiel entre production artistique et environnement. Deux projets vont prochainement voir le jour : un artiste/une forêt permet le rachat et la préservation d’une parcelle de forêt en France ou à l’étranger grâce à la vente d’une oeuvre d’art. Le prix Utopia permettra quant à lui l’octroi d’ « une bourse de création pour la scène contemporaine pour la réalisation d’œuvres liées à leur environnement et née d’un dialogue entre un artiste et un expert, scientifique, forestier, biologiste » explique Sarah Valente. La fondation rassemble aujourd’hui une centaine d'œuvres créées par cinquante artistes.


L’artiste peut souligner avec force les états de fait et offrir une visibilité aux individus qui peinent à obtenir reconnaissance. « J’ai constaté que les femmes portent de lourdes charges, quelles que soient leurs origines. Je parle de charge physique, pour lesquelles de nombreuses femmes n’ont pas le choix que de les porter. Les adjectifs qui me viennent à l’esprit les concernant ? Gracieuses, belles, fortes » estime la photographe Lekha Singh qui met en lumière ces femmes aux travers de portraits colorés à l’occasion de l’exposition « Les femmes portent le monde », au musée de l’Homme jusqu’au 2 janvier 2023. Le pouvoir de l’artiste lui confère un rôle essentiel, celui de faire exister, de porter et révéler l’invisible à la lumière de tous.




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