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La lutte contre les violences conjugales : les acteurs se mobilisent !

121. C’est le nombre de femmes ayant perdu la vie depuis le début de l’année 2022 sous les coups de leur conjoint ou ex conjoint. Alors que le phénomène des violences faites aux femmes ne faiblit pas, de nombreux acteurs se mobilisent aujourd’hui pour tenter d’inverser une tendance aux conséquences dramatiques.


Par Camille Léveillé


Des chiffres toujours aussi alarmants

Si le mouvement MeToo a permis une prise de conscience sociétale sur les violences faites aux femmes, cinq ans plus tard les chiffres sont toujours aussi effrayants. En France, en 2022, 1 femme sur 10 est victime de violences conjugales et le nombre de féminicides a augmenté de 20% entre 2020 et 2021. Et lorsque les victimes ont le courage d’aller porter plainte, 80 % d'entre elles sont classées sans suite. Dans 70 % des cas de féminicides, la victime avait porté plainte. En cause ? Le manque de preuve. « Ce sont des procédures compliquées. Les victimes se demandent parfois si on les croit. Moi, a priori, je n’ai aucune raison de ne pas croire une victime. Mais ma conviction n’a aucune importance. La seule chose qui en a, c’est ce que je suis capable de prouver devant une juridiction. Je classe parfois des procédures car je ne peux pas prouver les faits » expliquait le Procureur de la République de Rennes dans les colonnes de 20 Minutes.

Les acteurs s’engagent

Pour lutter contre ce fléau, les associations mais aussi la justice et le politique se mobilisent. La ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, Isabelle Rome, est depuis longtemps engagée dans cette lutte. Depuis sa nomination, elle a de nombreuses fois pris la parole et fait des propositions notamment en matière de justice pour améliorer la prise en charge des victimes. Aujourd’hui, de nombreux dispositifs existent tels que le 3919, le numéro d’écoute disponible 7j sur 7 et 24h sur 24, le Dispositif Alerte Pharmacie pérennisé après le premier confinement ou encore un important maillage territorial de centres d’accompagnement et d’écoute. Aujourd’hui, une lutte efficace contre ces problématiques suppose une alliance de tous les acteurs. « Il y a énormément d’initiatives qui existent et il est dommage de ne pas tirer profit de cette complémentarité car il n’existe pas une solution unique qui réglerait l’ensemble du problème. Nous devons unir nos forces afin d’espérer inverser la tendance et stopper cette escalade des chiffres » témoigne Sandy Beky, fondatrice de HeHop, une association ayant développé une application visant à fournir à la justice des preuves capturées par le téléphone d’une victime ayant une valeur probante irréfutable devant la justice.

Au niveau européen, la Commission déploie depuis quelques années un arsenal législatif complet pour prévenir et lutter contre les violences faites aux femmes et les violences conjugales. Elle vient d’annoncer le déploiement d'un numéro d'appel européen commun pour les victimes de violence à l'égard des femmes, le 116 016. Au-delà de ce numéro européen, une proposition de directive a été déposée en mars dernier visant à combattre les violences domestiques à l'égard des femmes. Si les mesures proposées sont déjà appliquées au niveau national cela permettrait une uniformisation et de poser un standard au niveau européen. Aujourd'hui 158 des 192 pays au monde disposent d’un cadre juridique pour lutter contre les violences faites aux femmes et aux filles.

La technologie au service de la preuve

Au-delà de l’engagement de tous les acteurs, aujourd’hui, la technologie peut être un atout supplémentaire au service de la preuve. C’est le constat dressé par Sandy Beky lorsqu’elle a eu l’idée de développer HeHop après un voyage en Estonie, Etat mondialement reconnu pour son développement numérique important. « Nous avons alors créé cette application qui permet de prendre les fichiers numériques capturés par un téléphone, les rendre infalsifiables et les stocker jusqu’à une utilisation potentielle à destination de la justice. Le téléphone dans lequel un acte de violence capturé avec un smartphone peut être perdu ou même confisqué par l’agresseur. Mais, si la victime a utilisé HeHop, le fichier sera directement transmis à la blockchain puis stocké dans un coffre fort numérique à vocation probatoire. Les fichiers qui y sont stockés peuvent alors devenir des preuves recevables en justice » explique-t-elle avant d’ajouter : « La mission première de notre association est de rendre espoir aux victimes et leur entourage mais aussi de leur redonner confiance en la justice. Nous n’ignorons pas que le parcours en justice est une très grande souffrance ». Avec plus de 4300 fichiers stockés dans les coffre-forts numériques, HeHop s’appuie aujourd’hui sur une technologie mature qui a fait ses preuves et a pu aider. « Par exemple, une personne avait été témoin auditif d’une scène de violence conjugale durant laquelle un homme étranglait sa conjointe. Lorsque la police est arrivée sur place, le conjoint a nié et expliqué qu’il s’agissait d’une banale dispute. Sa compagne était tellement terrorisée qu’elle n’a rien dit et, en revanche, grâce à l’enregistrement, la voisine a pu prouver qu’il s’agissait d’une réelle agression. La blockchain permet une traçabilité et rend le fichier infalsifiable, donc authentique. Enfin, cette technologie permet d’horodater une agression » souligne la fondatrice d’HeHop.


D’autres dispositifs et expérimentations ont été menées pour mettre la technologie au service de la lutte contre les violences conjugales. En 2019, le tribunal d’Auxerre avait lancé MonSherif, un bouton contenu dans un accessoire de mode, un bijou ou accroché à un vêtement qui alerte jusqu’à 5 personnes de l’entourage de la personne qui la déclenche et enregistre l’environnement sonore autour de cette personne. « Cela peut être très utile ensuite à titre de preuve. Dans ces affaires, c’est souvent parole contre parole. Avec l’enregistrement, on peut savoir ce qui s’est passé entre les deux parties » explique Cyril Boile, directeur de l’association France victimes Oise à nos confrères du journal La Croix. MonSherif est remis gratuitement aux femmes victimes par les associations d’aides. Depuis, les parquets de Meaux, Melun, Fontainebleau et Compiègne sont devenus partenaires du dispositif. Mais, il pourrait être remplacé par une application, App-Elle, développée par l’association Résonantes. Le ministère de la Justice a en effet invité les tribunaux à se tourner vers cette technologie.


Toutefois, « il ne faut pas voir la technologie comme une solution miracle, elle peut aider à faire bouger certaines lignes et être mise à disposition de causes sociétales de premier plan mais elle ne pourra pas éradiquer seule les violences conjugales et plus généralement les violences faites aux femmes » conclut Sandy Beky.

Pour en savoir plus sur HeHop : https://hehop.org/


1. Décompte arrêté au 22 novembre 2022 et réalisé par le collectif #NousToutes, https://www.noustoutes.org/comprendre-les-chiffres/

2. Communiqué de presse HeHop, “Journée contre les violences faites aux Femmes : HeHop se mobilise et organise plusieurs actions fortes du 23 au 29 novembre”

3. Ibid

4. Ibid

5. Camille Alain, “« Il faut que les hommes changent »... Le procureur de Rennes en guerre contre les violences faites aux femmes”, 08/03/20, https://www.20minutes.fr/france/2734079-20200308-faut-hommes-changent-procureur-rennes-guerre-contre-violences-faites-femmes

6. Pierre Bienvault, “Violences faites aux femmes : la bataille des outils connectés”, La Croix, 04/02/2022, https://www.la-croix.com/France/Violences-faites-femmes-bataille-outils-connectes-2022-02-04-1201198646


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